dimanche 12 janvier 2014

Nène 1924

Le petit Jo, Nène (S. Milowanoff) et Cordier (E. Van Daële)
Un film de Jacques de Baroncelli avec Sandra Milowanoff, Edmond Van Daële, Gaston Modot, François Viguier et France Dhélia

Madeleine, dite Nène (S. Milowanoff) est servante dans la ferme de Cordier (E. Van Daële). Elle s'occupe des deux petits enfants du fermier depuis la mort de leur mère. Elle est en butte aux avances de Boisseriot, un valet de la ferme (François Viguier) qu'elle repousse. Celui-ci entreprend de se venger en poussant la perfide Violette (F. Dhélia) dans les bras de Cordier...

Sandra Milowanoff a fait ses débuts dans les sérials de Louis Feuillade. C'est en 1923 qu'elle devient l'interprète favorite d'un autre cinéaste Jacques de Baroncelli. Dans Nène, elle reste fidèle aux personnages tragiques qu'on lui confiait volontiers. Nène est une servante de ferme laborieuse et bonne qui donne toute sa tendresse à deux enfants qui ne sont pas les siens. Elle ne se plaint jamais et sait se défendre face aux assauts d'un Boisseriot qui voudrait abuser d'elle. Baroncelli fait le choix d'un naturalisme total en tournant pratiquement tout le film en extérieur, probablement dans le bocage vendéen. Tiré d'un roman éponyme d'Ernest Pérochon, Baroncelli veut faire revivre à l'écran l'atmosphère de la vie paysanne à la fois rude et bucolique que décrit l'auteur. Nous ne sommes pas dans La Terre de Zola, mais les personnages sont très contrastés. Alors que Nène et Cordier sont deux êtres bons, Boisseriot et Violette sont à la fois pervers et cupides. Le frère de Nène, Jean (Gaston Modot) est lui un homme fragile, qui lorsqu'il abuse de la boisson peut perdre la tête. Baroncelli soigne particulièrement les éclairages et avec son opérateur Louis Chaix cherche une vision picturale de la campagne tout en nous faisant partager la vie quotidienne des paysans. Du point de vue cinématographie, Baroncelli utilise certaine des dernières innovations de l'époque comme cette courte séquence en caméra mobile lorsque Nène emporte en courant dans ses bras la petite Lalie qui a été brûlée. La soulerie de Gaston Modot est également suggérée par une scène en accéléré avec un montage rapide montrant des images inversées alors qu'il lutte pour retrouver son équilibre. Il est évident que Baroncelli n'est pas un cinéaste d'avant-garde. Il cherche essentiellement à servir son scénario (dont il est l'auteur) du mieux possible. Le film repose essentiellement sur les épaules de Sandra Milowanoff qui joue avec fougue, naturel et élan cette fille de ferme fière et sensée. Si le film est moins émouvant qu'une autre oeuvre de Baroncelli, Pêcheur d'Islande, c'est simplement que l'intrigue de Nène n'a pas les mêmes ressorts dramatiques. On s'attache moins aux personnages car ils n'ont guère le temps d'être développés. Il y a heureusement la beauté de la cinématographie, particulièrement mise en valeur par une copie teintée d'excellente qualité. Un Baroncelli dans la bonne moyenne, mais moins impressionnant et émouvant que La Légende de Soeur Béatrix ou Pêcheur d'Islande.