jeudi 4 janvier 2007

Stella Dallas 1925

Le sublime sacrifice de Stella Dallas
Un film d'Henry King (1925)
C
e mélodrame fut un spectaculaire succès au box office en 1925. Samuel Goldwyn, le producteur, en fera un remake en 1937, avec cette fois King Vidor comme réalisateur, qui fut également un immense succès pour son interprète féminine, Barbara Stanwyck.
Le remake a eu tendance à éclipser la version muette d'Henry King et c'est bien dommage! Dans le rôle-titre, l'actrice Belle Bennett (ci-dessus) offre un portrait passionnant d'une femme qui tente de s'introduire dans un milieu qui n'est pas le sien.


Synopsis


Stephen Dallas (Ronald Colman) issu d'une riche famille de la Nouvelle Angleterre, espère épouser Helen Dane (Alice Joyce) sa voisine. Mais son père se suicide suite à une banqueroute frauduleuse. Il se retrouve comptable dans une petite ville où l'entreprise principale est une filature de coton.


Stella Martin l'observe lorsqu'il rentre chez lui, le soir. Elle espère pouvoir l'attirer sous son porche car elle y voit une opportunité de quitter son milieu sordide.

Stella a réussi à attirer Stephen, mais derrière la fenêtre, ses deux frères se moquent d'elle. Elle tente désespérement de les calmer...


Le père vient s'en mêler et administre quelques coups de pieds au derrière.



Le store se relève brusquement révélant un gamin nu comme un ver.


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Stella et Stephen sont mariés depuis plusieurs années. Stella insiste pour se maquiller outrancièrement et porte des robes couvertes de volants et de plumes. Stephen tente de la convaincre de porter moins de rouge à lèvres. Sans succès.

Stephen et Stella se sont séparés. Il part pour New York et elle reste dans sa petite ville avec leur fille Laurel (Lois Moran) qui a ici 12 ans.

Stella veut introduire sa fille, qui a maintenant 18 ans (Lois Moran), dans la meilleure société. Mais, elle cause le pire embarras à Laurel en arrivant attifée d'une manière extravagante au milieu de ses amis. Stephen a retrouvée Helen veuve et ils pensent se marier. Stella rend visite à Helen pour lui suggérer de prendre sa fille Laurel avec elle car elle sait qu'elle est un obstacle au bonheur de sa fille.
Helen accepte le marché. La dernière scène du film est cette fameuse image de Stella sous la pluie assistant de loin au mariage de Laurel avec un fils de la bonne société.

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Ce survol rapide du film de King ne permet pas de voir tous les détails qui enrichissent le récit: les rangées de maisons toutes identiques de la ville et le côté sordide de la vie de Stella avec son père trop fainéant pour même ôter la cafetière du poêle, ses frères qui se battent constamment (il y a une réelle parentée avec Mannequin de Borzage). Stella essaie désespéremment d'être middle-class; mais, elle reste prolétarienne quels que soient ses efforts en particulier pour sa coiffure et ses vêtements. Le contraste entre les robes à la ligne fluide (style Gabriel Chanel) de Alice Joyce et les tonnes de frou-frou de celles de Belle Bennett qui sont dépassées de 20 ans en terme de mode en disent plus qu'un long discours. Elle lit un livre de bonnes manières; mais, le livre est vieux de 20 ans. Elle accumule les faux pas et pour finir, fréquente le rustre Ed Munn (brillamment interprété par Jean Hersholt frais émoulu du tournage de Greed) qui l'amuse plus que son époux qu'elle trouve trop sérieux. Malgré tout, King n'épouse pas totalement le point de vue de la bourgeoisie et sa Stella n'est pas juste une caricature. La scène la plus étonnante est l'arrivée de Stella attifée avec une robe à rayures et des tonnes de plumes au milieu de la bonne société. Sa fille Laurel est terriblement ennuyée par ses amis qui se moquent de cette femme ridicule et prétend avoir perdu sa montre pour s'enfuir. Dans le train qui les ramènent, les commères discutent de la vulgarité de Stella avec férocité. Laurel reste néanmoins près de sa mère et préfère les ignorer. Stella est une mère prête à tous les sacrifices pour aider sa fille ce qui fait d'elle une héroïne.


Il faut mentionner aussi la performance étonnante de la jeune Lois Moran (15 ans). Elle parvient à rendre crédible le personnage de Laurel à 12 ans aussi bien qu'à 18 ans. Goldwyn découvrit la jeune danseuse et l'imposa pour le rôle. Dans le remake de Vidor, Anne Shirley était nettement plus âgée (19 ans). Quant à Belle Bennett, elle trouve ici le rôle de sa vie. Elle assiégia littéralement Goldwyn, accepta de s'enlaidir et de prendre du poids pour pouvoir jouer Stella. Ronald Colman n'a qu'un rôle secondaire en Stephen Dallas. Mais, il réussit à donner une réelle épaisseur à Stephen, là où John Boles dans le remake sera bien pâle.


Le film est disponible en DVD-R auprès de Sunrise Silents et il sera projeté à la Cinémathèque Française le 1er mars prochain dans le cadre de la rétrospective King Vidor.

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