mercredi 29 octobre 2014

Der Turm des Schweigens 1925

La Tour du silence
Un film de Johannes Guter avec Xenia Desni, Nigel Barrie, Fritz Delius et Hanna Ralph

Eva (X. Desni) vit dans une vieille tour avec son père, un savant fou, et son grand-père. Un jour, elle sauve Arved Holl (N. Barrie) qui a été victime d'un accident de voiture. Ce dernier revenu d'une expédition dans le désert australien, apprend que son meilleur ami Wilfred Durian (F. Delius) l'a trahi. Il s'est non seulement approprié ses découvertes, mais il a aussi épousé sa petite amie, l'actrice Liane (H. Ralph)...

Arved Holl (N. Barrie) et Eva (X. Desni)
Ce film de Johannes Guter combine des éléments à priori disparates: d'un côté, un savant fou qui vit cloîtré dans une tour avec sa fille et de l'autre, un explorateur que l'on croyait mort qui revient et découvre la trahison de son meilleur ami. Ce n'est qu'à la fin que nous découvrirons le lien qui lie la destinée de ces personnages. Tout d'abord, il faut saluer la qualité de cette restauration de la Fondation F.W. Murnau; la qualité de la copie est absolument superbe. La photo du grand Günther Rittau, l'opérateur de Fritz Lang, est parfaitement mise en valeur dans cette restauration. 
Le film navigue constamment entre deux univers: le drame mondain et le film expressionniste. L'intrigue a le mérite de réserver quelques surprises par sa contruction plus que par son contenu. Pris séparemment les éléments ne sont guère nouveaux. Mais, on est tenu en haleine jusqu'à la fin par l'ingéniosité de la narration. La distribution réserve aussi des surprises avec le britannique Nigel Barrie et la russe Xenia Desni dans les rôles principaux; c'est l'époque où le cinéma allemand importe de nombreux talents à l'étranger. Johannes Guter utilise au mieux les magnifiques décors qui vont des salons Art Déco très chic de l'actrice Liane à la tour lugubre et mystérieuse où vit Eva. Les personnages ne sont guère fouillés psychologiquement, mais l'atmosphère des lieux pallie en quelques sortes ce manque. Sans être un chef d'oeuvre, Der Turm des Schweigens offre un divertissement de qualité. La partition musicale oscillait entre le tonal et l'atonal sans vraiment convaincre.
Le savant fou et sa machine volante (A. Morewski)

Albert Capellani, La Glu et Les Misérables

Le vendredi 31 octobre à 16h00, je présenterai la projection de La Glu (1913) d'Albert Capellani à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé. Je serai là aussi pour présenter Les Misérables (1912) d'Albert Capellani le samedi 1er novembre à 14h00. Mon ouvrage sur Albert Capellani est toujours disponible auprès de La Tour Verte ou chez votre libraire le plus proche.

lundi 27 octobre 2014

Jocelyn 1922

Jocelyn (Armand Tailler) et Laurence (Laurence Myrga)
Un film de Léon Poirier avec Pierre Blanchar, Armand Tailler, Laurence Myrga, Suzanne Bianchetti et Roger Karl

Le poète Lamartine (P. Blanchar) découvre le manuscrit des mémoires de Jocelyn (A. Tailler) près de son lit de mort. Il y découvre sa vie. Jocelyn a rejoint le séminaire pour permettre à sa soeur (S. Bianchetti) de se marier. Durant la Révolution, le jeune séminariste doit fuir et se cacher dans les Alpes pour échapper aux persécutions. Un jour, il sauve un jeune homme (L. Myrga) lui aussi recherché. Il n'a pas réalisé que Laurence est en fait une femme...

Lamartine (P. Blanchar) découvre le
manuscrit des mémoires de Jocelyn
Léon Poirier était certainement un amoureux de Lamartine. Après avoir réalisé Jocelyn, il s'est attelé à Geneviève (1923) avec à nouveau Pierre Blanchar dans le rôle du poète. Au sein de la Gaumont de l'après-guerre, Poirier produisait les films de prestige tout comme son collègue Marcel L'Herbier pendant que le "cinéma commercial" était réservé à Feuillade qui continuait à faire ses sérials. Si L'Herbier était un innovateur dans la structure narrative et visuelle de ses films, Poirier lui est un artisan quelque peu académique. Pourtant, le poème de Lamartine est riche en possibilités dramatiques, des potentialités que Poirier ne réalise pas totalement à l'écran. Il se contente d'illustrer assez platement le poème de Lamartine en utilisant les décors somptueux des Alpes françaises. En regardant le film, on réalise rapidement à quel point le cinéma suédois a influencé les français. La vie des deux proscrits, Jocelyn et Laurence, réfugiés dans les montagnes rappelle fortement celle des Proscrits (Berg Ejvind och hans hustru, 1918) de Victor Sjöström. Malheureusement, Léon Poirier est incapable de dépasser son sujet et de faire vivre intérieurement ses personnages comme le faisait Sjöström. Il ne tourne que de courtes scènes connectées entre elles par des intertitres citant verbatim le poème de Lamartine. Ses paysages manquent de lyrisme et on n'est pas touché émotionnellement par la destinée de ses héros comme on l'était dans le chef d'oeuvre suédois. Pourtant, l'histoire tragique des amants de Lamartine portait en elle de quoi produire un chef d'oeuvre. Jocelyn sacrifie sa vie pour le bonheur de sa soeur, puis il va sacrifier celle qu'il aime pour sauver l'âme de son ancien évêque (R. Karl) voué à la guillotine révolutionnaire. Cette succession de sacrifices ne lui apporte que la solitude et les regrets. Ses regrets sont encore avivés lorsqu'il découvre que sa bien-aimée Laurence (L. Myrga), qu'il a lâchement abandonnée, est devenue une "Merveilleuse" entretenue par des hommes riches. A aucun moment, Poirier ne réussit à transcender son sujet. Il reste dans l'illustration sans profondeur psychologique. Cependant, Jocelyn fait partie des meileurs films de ce réalisateur sans génie. Un film intéressant.