samedi 30 octobre 2010

Den Sorte Drøm 1911

Le Rêve Noir
Un film d'Urban Gad avec Asta Nielsen, Valdemar Psilander et Gunnar Helsengren
Stella (A. Nielsen), une écuyère de cirque, tombe amoureuse du Comte Waldberg (V. Psilander). Mais, un riche joaillier Hirsch (G. Helsengren) la convoite aussi provoquant la jalousie de Waldberg...

Asta Nielsen est une nouvelle fois une femme libre qui, par amour, est prête à tous les sacrifices. Son partenaire est la grande star masculine danoise de l'époque, Valdemar Psilander. A partir d'une intrigue de mélodrame somme toute assez banal, Gad crée un film original et très bien mis en scène. On suit le développement psychologique de Stella de femme libre en femme amoureuse. Elle va commettre un vol pour tenter de sauver Waldberg. Mais, ce vol va se retourner contre elle car Hirsch a tout vu dans un miroir (voir ci-dessus). Elle se retrouve alors la proie de cet homme qui la révulse. Nielsen utilise son corps flexible et sa haute taille avec un maximum d'efficacité. Il y a une grande sensualité dans ses étreintes avec son partenaire Psilander. Comme pour Afgrunden (1910), Gad filme en partie en extérieurs utilisant intelligemment un parc et les rues de Copenhague. Dans ce début des années 10, le cinéma danois est certainement l'un des plus inventifs et les plus modernes du monde.

Afgrunden 1910

L'Abîme

Un film d'Urban Gad avec Asta Nielsen, Poul Reumert, Hans Neergard et Robert Dinesen

Madga (A. Nielsen) rencontre par hasard un jeune homme, Knud (R. Dinesen) dans un tramway. Il l'invite à passer l'été avec ses parents à la campagne. Magda s'ennuit en compagnie de cette famille de vicaire. Elle rencontre un artiste de cirque (P. Reumert) et décide de le suivre...

En ce début des années 10, une nouvelle étoile apparaît au firmament du cinéma : la danoise Asta Nielsen. Son image de femme libre tranche avec les drames bourgeois qui sont produits en France à la même époque. Au Danemark, on aborde les sujets qui fâchent avec beaucoup plus de vérité. Asta Nielsen, certes, porte un corset et des chapeaux volumineux, mais, elle choisit son destin et ses partenaires comme le ferait une femme moderne. Il n'est que de comparer avec le personnage de Mistinguett dans La Doctoresse (1910, Pathé) qui doit rapidement renoncer à son emploi incompatible avec son rôle de femme mariée. Ici, de mariage point, Magda flirte avec un jeune homme qu'elle trouve finalement fade. Elle se tourne alors vers Rudolf, un artiste de cirque qui l'enlève sur son cheval. Mais, le romantisme est de courte durée ; elle découvre que l'homme qu'elle aime est surtout un coureur de jupons porté sur la bouteille. Nous assistons à un numéro de danse assez hallucinant pour 1910 (et même quelques décades plus tard !) où Asta se déhanche d'une manière suggestive face à son partenaire qu'elle a étroitement ligoté. Certes, le final montre que la pécheresse va être punie par la société. Mais, dans l'ensemble, Asta offre un personnage féminin hors du commun. Délaissant son corset, elle porte une robe moulante pour sa danse à l'érotisme torride. Cette actrice avait un charisme certain qui a résisté au temps. A une époque où le gros plan n'existe pas encore, une actrice se doit d'exister 'en pied' avec de rares plans américains (comme ci-dessus). Ce film de Gad est remarquable à plus d'un titre. C'est l'un des tous premiers longs métrages quelques années avant sa généralisation (vers 1912). Une date dans l'histoire du cinéma. Le film est visible dans le DVD du Danish Film Institute dédié à Asta Nielsen.

mercredi 27 octobre 2010

Tih Minh 1918

Un film en douze épisodes de Louis Feuillade avec René Cresté, Edouard Mathé, Mary Harald, Gaston Michel, Louis Lebas, George Biscot et Jane Rolette

L'explorateur Jacques d'Athys (R. Cresté) revient d'un voyage avec une jeune annamite, Tih Minh (M. Harald). Mais, à son arrivée sur la côte d'azur, il est épié par trois mystérieux criminels, Kistna (L. Lebas), Gilson (G. Michel) et Dolorès (G. Faraboni)...
Ce serial de Louis Feuillade a été tourné à la même époque que Vendémiaire avec une distribution similaire. Les deux films reflètent leur époque en évoquant les espions allemands infiltrés sur le territoire français. Mais, à part cela, les deux films sont totalement différents. Tih Minh est un suspense criminel dans la lignée de Judex et des Vampires où l'on retrouve un groupe de criminels aguerris qui utilisent tous les moyens pour arriver à leurs fins : séquestrations, enlèvements, empoisonnement, vol et meurtres. L'héroïne du film, Tih Minh, interprétée avec talent par l'anglaise Mary Harald, est une eurasienne qui a suivi Jacques d'Athys en Europe où elle devient la proie des criminels. Elle est enlevée par Kistna et sa bande qui lui font prendre une drogue violente. Elle perd la mémoire et la raison. Le début du film se situe à la Villa Circé qui porte bien son nom. Des femmes en chemise de nuit sont enfermées au sous-sol de la villa et semblent avoir subi le même traitement que Tih Minh. Pour lutter contre l'organisation criminelle, qui veut s'emparer d'un document codé que possède Jacques d'Athys, l'explorateur d'Athys (R. Cresté) et son ami le diplomate Sir Francis Grey (E. Mathé) reçoivent le renfort d'un médecin aliéniste. Nos héros n'utilisent même pas la police pour les aider dans leur lutte. Après tout, c'est la guerre et les citoyens doivent se débrouiller pour lutter contre les espions ennemis. Le film comprend de grands morceaux de bravoure (il faut saluer le courage des acteurs!) avec des escalades de façade et une descente vertigineuse en wagonnet pendu à un câble. Mais, ce qui retient l'attention, comme dans Les Vampires, ce sont les éléments oniriques tels que cette vision des femmes demi-folles qui errent dans le jardin de la Villa Circé. L'héroïne vient des lointaines colonies d'Indochine et apporte une touche d'exotisme au milieu des aloès géants des villas majestueuses sur la côte d'azur. D'ailleurs, Feuillade utilise au mieux les décors naturels (près de Nice) comme il l'avait fait pour Paris dans Fantômas. Les à-pic du bord de côte sont le prétexte à des glissades vertigineuses et les petites routes escarpées à des poursuites en automobiles. Comme toujours, Feuillade apporte une touche d'humour avec les domestiques, Placide (G. Biscot) et Rosette (J. Rolette) qui manient revolver et intelligence en aidant leurs patrons dans leur lutte. René Cresté, tout auréolé de son succès dans Judex, apporte son charme et sa haute silhouette au personnage de d'Athys. Il mourra en 1922 à l'âge de 41 ans, déjà oublié par le public. Mais, les acteurs de Feuillade restent immortels : ils sont naturels, dépourvus de théâtralité et campent leurs personnages avec un engagement sans limite. Encore un merveilleux serial qui mériterait une édition en DVD.

dimanche 17 octobre 2010

Das Mirakel 1912

Un film de Max Reinhardt avec Florence Winston, Maria Carmi et Douglas Payne
Ce 'miracle' cinématographique, n'ayons pas peur du mot, est basé sur une légende moyenâgeuse. Le film a été présenté dans le cadre de la rétrospective Ernst Lubitsch car il semble qu'Ernst y apparaît dans un petit rôle. Max Reinhardt a été le mentor d'un nombre impressionnant de grands cinéastes (Dieterle, Lubitsch, Murnau, etc.) et a aussi formé de nombreux acteurs allemands ou autrichiens (comme Anton Walbrook). Aussi, j'attendais avec une certaine curiosité cette version filmée par le grand Max d'un de ses grands succès à la scène. Eh bien, j'ai été servie. La caméra est vissée au sol et capture avec solemnité un chapelet de nonnes qui entre et sort avec une lenteur monacale (traces de Bob Wilson ?). Lorsque l'émotion atteind son comble, les bras des nonnes s'agitent tels des moulins à vent et on se croirait à un concert de rock. La nonne qui se défroque pour un beau chevalier vit des aventures agitées qui semblent avoir été filmées par Edison en 1895. Un long plan fixe (sans composition au niveau de l'éclairage ni du décor), un placement foutraque des figurants et absolument aucun sens du récit cinématographique. (En 1912, la Gaumont a produit des films qui sont infiniment plus sophistiqués.) Le jeu des acteurs (d'ailleurs jouaient-ils vraiment ou était-ce une parodie au deuxième degré ?) était un exemple parfait de tout ce qu'il ne faut pas faire devant une caméra : grands mouvements de bras comme un oiseau qui prend son vol, les bras et les yeux au ciel suivi du placage des mains sur la figure pour marquer le chagrin, etc. Quelqu'un ronflait au premier rang, il n'avait pas tord. Cette torture a duré environ 1h et c'est avec soulagement que nous avons vu apparaître le mot FIN à l'écran. Comment un film aussi insipide et ennuyeux peut-il être associé à Max Reinhardt qui a révolutionné la mise en scène théâtrale en Allemagne ? Même s'il s'agissait seulement de théâtre filmé, le film en lui-même est tellement mal construit que l'intérêt faibli quasiment immédiatement. Pourtant, sur le même sujet, Jacques de Baroncelli -qui n'a pas une grande réputation chez les cinéphiles- a réalisé un très joli film aux antipodes de celui-ci: La Légende de Soeur Béatrix (1923) qui réussit à conjuguer l'émotion et la beauté avec intelligence.

dimanche 10 octobre 2010

The Last Command 1928

Crépuscule de gloire

Un film de Josef von Sternberg avec Evelyn Brent, Emil Jannings et William Powell

Sergius Alexander (E. Jannings) est simple figurant à Hollywood. Lors d'un tournage, il se retrouve face au metteur en scène Lev Andreyev (W. Powell), un ancien révolutionnaire. Sergius se souvient de son passé en 1917 dans la Russie Impériale où il était le Grand Duc, cousin du Tsar en charge de l'armée impériale...

Avec ce film, Sternberg réussit à rendre flou la limite en la réalité et la fiction. Le film débute à Hollywood où des troupeaux de figurants sont traités comme du bétail par les assistants. Voilà un milieu du cinéma que connaissait par coeur le dénommé Joe Sternberg qui avait débuté en bas de l'échelle. Puis, avec un long flash-back, nous repartons pour la Russie de 1917. Mais, cette Russie totalement reste artificielle -cependant crédible. Et le retour à Hollywood se conclut avec le tournage d'une scène qui semble sorti des souvenirs du Grand Duc en Russie. La réalité et la fiction se mêle au point donner au récit un ton de fable. Jannings est absolument génial en Sergius Alexander devenu un misérable figurant, à la tête agitée d'un tic nerveux, qui reçoit humiliation après humiliation. C'est le film où je l'ai trouvé le plus émouvant avec Variétés (1925) de E.A. Dupont. Evelyn Brent n'est pas en reste en Natalie Drabova. Elle atteint des sommets en révolutionnaire amoureuse de Jannings. Il faut la voir sauter sur le marchepied du train, cracher à la figure de Jannings éperdu avant de révéler qu'elle ne jouait qu'un jeu pour le sauver. Elle déploit une féminité et un charme vénéneux tout à fait à incroyable. William Powell, qui portait alors de longues moustaches, était cantonné -à cette époque- dans les rôles de traitres. Il est d'ailleurs superbe en metteur en scène qui prépare sa vengeance comme un plat qui se mange froid. Le final est absolument éblouissant avec ce travelling arrière qui révèle la rangée de caméra qui filme la scène, une mise en abîme de première classe. La partition de Robert Israel s'inspire de Tchaikovski avec bonheur.

The Docks of New York 1928


Les Damnés de l'océan

Un film de de Josef von Sternberg avec Betty Compson, Olga Baclanova et George Bancroft

Bill Roberts (G. Bancroft) qui est chauffeur sur un cargo sauve de la noyade Mae (B. Compson). Il la ramène dans un hôtel borgne des docks où Lou (O. Baclanova) s'occupe d'elle...

Pour ce film, la cinématographie et la composition de l'image atteignent leur quintessence. Sternberg crée en studio une atmosphère portuaire chargée de brouillards, d'hôtels borgnes et de marins avinés. George Bancroft est à nouveau le héros de ce film où il est un simple marin en permission pendant une journée à quai. Son existence est bouleversée par sa rencontre avec une pauvre fille, Mae (Betty Compson) qu'il va épouser sous l'impusion du moment. Aucun des deux ne semblent croire que ce mariage a une quelconque chance de durer. Mais, finalement, ils se retrouveront à la fin pour ne plus se quitter. Betty Compson est filmée amoureusement par Sternberg qui met en valeur sa plastique et sa douce sensualité en contraste avec la russe Olga Baclanova plus sanguine (qui tue son époux infidèle). Pour une fois, Sternberg crée des personnages de chair et de sang. Nous avons une vraie empathie pour Betty Compson, une paumée au coeur sensible et à ce grand bourru mal embouché qui cache un coeur d'or joué par George Bancroft. Chaque image est travaillée comme une peinture avec un sens de la composition incroyable. Il déplace sa caméra pour des travellings superbement conçus avec des premiers plans et des arrières plans bien distincts. Il s'agit sans aucun doute de l'un des films les plus somptueux visuellement jamais réalisés par Sternberg. Robert Israel offre une très belle partition qui fait parfois penser à Vertigo de Bernard Herrmann.

Underworld 1927

Les Nuits de Chicago

Un film de Josef von Sternberg avec George Bancroft, Evelyn Brent et Clive Brook

Le gangster Bull Weed (G. Bancroft) rencontre par hasard son ami 'Rolls-Royce' (C. Brook) et tente de le faire sortir de sa déchéance. Il lui présente sa petite amie 'Feathers' (E. Brent) qui n'est pas insensible à son charme...

Avec Underworld, Von Sternberg réalise là son premier film 'professionnel' après l'essai de The Salvation Hunters (1925) tourné avec un tout petit budget. Il réalise un coup de maître et crée du même coup le prototype du film de gangster. Il est évident que ce film a influencé nombres de réalisateurs. En premier lieu, Howard Hawks qui reprendra la scène du crachoir quasiment à l'identique dans Rio Bravo (1959). De même, il est évident que Scarface (1932, H. Hawks) doit beaucoup aux gangsters et à la fusillade finale de Underworld. Il est intéressant de noter les formidables performances des deux acteurs masculins principaux, George Bancroft et Clive Brook. Bancroft est généralement un cabot mal canalisé par les réalisteurs (et un peu demeuré selon les dires d'Evelyn Brent). Et Brook est souvent aussi expressif qu'une bûche. Rien de tel ici. Ils sont tous deux en situation, parfaitement contrôlés et même émouvants. Il est évident que Von Sternberg a obtenu d'eux des réactions et des sentiments grâce son système de direction d'acteurs. Un système qui s'apparente souvent à la torture : selon Brent, Clive Brook dut faire parfois trente prises pour une simple scène. Mais, le résultat est là. Brook n'a jamais été aussi bon, à part dans Barbed Wire (1927, R.V. Lee). Quant à Evelyn Brent, elle est la femme sternbergienne par excellence, et ce bien avant Dietrich. Elle apparaît en haut des escaliers d'un bar et une plume descend doucement vers Clive Brook qui la découvre en contre-plongée. Elle est sensuelle, légèrement distante, enveloppée de plumes diverses (d'où son surnom repris également par Hawks pour Rio Bravo). Sa carrière est à son apogée lors de sa collaboration avec Sternberg. Il est fort dommage qu'elle fut oubliée dès 1932. La narration ultra-rapide du film avec ses effets de caméra subjectif (la caméra saute lorsque Brooks prend un coup de poing sur la figure), ses travellings précis et puissants donnent une impulsion formidable à ce récit. La cinématographie est le péché mignon de Sternberg qui est autant responsable que Bert Glennon. Les gros-plans en soft-focus d'Evelyn Brent et la composition générale montrent déjà la maîtrise de Sternberg. Une petite merveille qui est ici accompagnée par une délicieuse partition orchestrale de Robert Israel qui fleure bon les années 20. (Une deuxième bande son offre la version de l'Alloy Orchestra plus grinçante et moins à mon goût.)

jeudi 7 octobre 2010

Rosita 1923

Rosita, Chanteuse des rues

Un film d'Ernst Lubistch avec avec Mary Pickford, Irene Rich, Holbrook Blinn et George Walsh

Rosita (M. Pickford) chante dans les rues de Séville en se moquant du roi (H. Blinn). Elle est arrêtée pour propos séditieux. Un jeune officier, Don Diego (G. Walsh) qui avait tentée de la défendre est lui aussi arrêté...

Mary Pickford avait embauché Ernst Lubitsch en 1922. A l'origine, ils devaient tourner Faust, puis Dorothy Vernon. Mais, ils ne purent se mettre d'accord, donc ils se tournèrent vers Rosita, une version de Don César de Bazan. Les relations entre Lubitsch, fraîchement arrivé d'Allemagne, et sa productrice-interprète furent très tendues. Chacun voulait conserver sa liberté d'action face à l'autre qui voulait contrôler le film. Mary Pickford avait toujours eu un contrôle presque total de ses films au sein de son studio. D'ailleurs, pour cette production, elle ne ménage pas ses frais. Le Danois Svend Gade est engagé pour réaliser les décors gigantesques de Rosita en collaboration avec William Cameron Menzies. La dimension des plateaux vu sur grand écran laisse rêveur: ils rivalisent avec le château médiéval de Robin Hood (1922, A. Dwan) tourné peut de temps avant par son époux, Douglas Fairbanks. La petite Mary Pickford paraît minuscule devant les portails géants et les salles à haut plafond des palais. De ce point de vue, le film est une brillante réussite: la petite ville espagnole recréée en studio semble être réelle. De même, l'opérateur de Pickford, le génial Charles Rosher (qui gagna le 1er Oscar de la cinématographie en 1927 pour Sunrise) fait des merveilles. On sent là à quel point la cinématographie en Amérique avait de l'avance, à l'époque, sur celle des allemands. D'ailleurs, visuellement, le film est plus un film de Rosher que de Lubitsch. Son utilisation des silhouettes en ombre se détachant sur un immense décor en grande profondeur de champ est incroyable. Hélas, la seule copie de ce film qui a survécu est un vilain contretype russe où il faut deviner les beautés de Rosher. L'intrigue n'offre pas beaucoup de surprises. C'est surtout Mary Pickford qui tire son épingle du jeu en fille des rues sauvage et futée. Mais, elle avait eu des rôles bien plus intéressants (et plus complexes) dans Tess of the Storm Country (1922) par exemple. George Walsh (le frère de Raoul Walsh) est bien fade en jeune officier. Heureusement, il y a Irene Rich (qui sera plus tard Mrs Erlynne dans Lady Windermere's Fan) pour apporter un élément de subtilité en reine trompée qui fait tout pour faire échouer les amours de son roi. L'aspect comique du film avec les parents adoptifs -assez grotesques- de Rosita fait penser aux farces bavaroises du Lubitsch allemand comme Kohlhiesels Töchter. Le Lubitsch subtile, adepte de l'ellipse, n'est pas encore né à son arrivée en Amérique. Peut-être est-ce la vision de A Woman of Paris (L'opinion publique, 1923) de Chaplin qui le mettra sur la voie ? Pickford gardera un souvenir détestable de ce tournage et elle laissera à l'abandon le négatif du film (contrairement à ses autres films qui furent préservés). On ne peut donc découvrir ce film que grâce à une copie très médiocre qui ne permet pas d'en apprécier la beauté visuelle.

mardi 5 octobre 2010

So This is Paris 1926



Les Surprises de la TSF

Un film d'Ernst Lubitsch avec avec Patsy Ruth Miller, Monte Blue, André Béranger et Lilyan Tashman

Le Dr Giraud (M. Blue) retrouve par hasard une vieille amie, Georgette (L. Tashman) mariée à un artiste (A. Béranger). Pour retourver son amie à une soirée, il commence à mentir à son épouse (P. Ruth Miller)...

Cette comédie de Lubitsch produite par la Warner est basée sur la pièce de Meilhac et Halévy, Le Réveillon. Si cette pièce est maintenant oubliée, l'adaptation qu'en fit Johann Strauss II, elle, est immortelle avec Die Fledermaus (La Chauve-Souris). Lubitsch a d'ailleurs déjà utilisée cette histoire pour un film allemand antérieur, Ein Fideles Gefängnis (La Joyeuse Prison, 1917). Cette histoire d'infidélité conjugale est située à Paris, la ville du péché par excellence pour les studios américains. Hans Kräly, le complice de Lubitsch pour de nombreux scénarios, modernise l'intrigue. Le Dr Giraud retrouve la belle Georgette au bal des artistes où ils gagnent un concours de Charleston. C'est d'ailleurs cette séquence syncopée qui est la plus célèbre du film. Utilisant le montage rapide et les surimpressions pour suggérer le rythme trépidant de la danse, on se croirait déjà dans une comédie musicale des années 30. Lilyan Tashman est piquante, charmante et pleine de dynamisme. Cette actrice qui mourra très jeune en 1934 apparaitra dans le délicieux Girls about Town (1931, G. Cukor) montrant que le parlant n'était pas un obstacle pour elle. Monte Blue est très en forme en mari infidèle piqué par le démon du midi qui ne reconnaît même plus sa femme après plusieurs bouteilles de Champagne. Quant à André (George) Béranger, il était déjà un vétéran du cinéma en 1926: il était acteur dans Birth of a Nation (1915, DW Griffith). Il est assez désopilant en mari trompé, fort peu athlétique. On ne peut que regretter l'absence totale de musique lors de cette projection. Le film perd beaucoup de son dynamisme dans ce silence sépulcral. La copie présentée (issue du MoMA mais copiée à partir d'une copie française de la Cinémathèque) était de bonne qualité, bien qu'il manque un bout de métrage (lorsque Pasty Ruth Miller va rechercher la canne de son mari pour la redonner à André Béranger). Ce métrage est bel et bien présent dans une copie américaine que j'ai pu voir.