dimanche 1 mai 2011

The Spoilers 1914

Les Pillards

Un film de Colin Campbell avec William Farnum, Tom Santschi, Bessie Eyton et Kathlyn Williams

Roy Glenister (W. Farnum) a acheté une concession pour chercher de l'or en Alaska avec son ami Dextry. Mais, Alex McNamara (T. Santschi) la lui vole grace à ses appuis auprès d'un politicien corrompu à Washington...


The Spoilers est un jalon très important dans l'histoire du western et du cinéma américain. C'est en effet un des premiers films de long métrage (approchant les 2h) produit en Amérique. iI a été produit par la Compagnie Selig Polyscope en 1913 (tournage de juillet à septembre). Il ne sortira sur les écrans qu'en avril 1914 à peu près en même temps que The Bargain (1914, R. Barker) et The Squaw Man (1914, C.B. DeMille), deux autres westerns de long métrage. La Compagnie Selig prend là un gros risque financier avec ce long métrage à une époque où les films américains (contrairement à ceux produits en Europe en 1912-13) n'ont pas encore atteint une telle longueur. Au lieu de tourner en décors naturels, le film est entièrement réalisé en studios en Californie. La reconstitution est soignée et on sent qu'un gros budget a été mis à la disposition des décorateurs. Le scénario du film est basé sur un roman de Rex Beach publié en 1906. Cette première adaptation à l'écran de ce best-seller sera suivie de quatre autres versions: Lambert Hyllier en 1923 avec Milton Sills, Edward Carewe en 1930 avec Gary Cooper, Ray Enright en 1942 avec John Wayne et Jesse Hibbs en 1955 avec Jeff Chandler. Pour le rôle principal du prospecteur Roy Glenister, William Selig engage un acteur de théâtre, William Farnum qui vient de se faire un nom en jouant Ben-Hur sur les planches. Il est amusant de constater que presque au même moment William S. Hart, qui a lui aussi joué dans la version théâtrale de Ben-Hur le rôle de Messala, va faire ses débuts triomphants dans le western avec The Bargain. La comparaison n'est certainement pas en faveur de William Farnum qui est loin d'avoir le charisme de l'autre William. Il parait assez emprunté, voire un peu théâtral par moment. The Spoilers commence par une série de 'tableaux vivants' nous présentant les personnages et les acteurs du film. The Bargain reprend d'ailleurs le même procédé. Le film se déroule sur fond de ruée vers l'or en Alaska, avec ses villes champignons, ses gredins et ses héros. Les situations du film réapparaitront pendant plusieurs décennies dans une multitude de westerns. Il ne faut donc pas oublier que en 1913, ces situations n'étaient pas encore des clichés. Du point de vue narratif, le film semble avancer par saccades. Colin Campbell est loin d'avoir la fluidité narrative d'un Griffith ou d'un Reginald Barker qui font montre à l'époque d'une toute autre technique. Un autre point noir du film sont les intertitres. Ceux-ci nous annoncent une situation quelques minutes avant qu'elle ne survienne, coupant tout suspense et toute surprise. De plus, on nous indique le nom du personnage avec les dialogues. Il semble que le producteur et le réalisateur n'avaient guère confiance en l'imagination et l'intelligence des spectateurs. D'ailleurs, ces intertitres sont très confus et il m'a fallu une bonne dizaine de minutes pour parfaitement intégrer l'intrigue du film. Une fois le film lancé, on suit avec intérêt les aventures de Roy Glenister. Il est spolié de sa mine d'or par une bande d'escrocs, mais il va tout faire pour la récupérer. Il est de plus amoureux de Helen Chester (B. Eyton) qui ignore tout des agissements douteux de son oncle. On oppose à cette belle ingénue, la fille de saloon, Cherry Malotte interprétée par Kathlyn Williams. Le jeu des acteurs dans l'ensemble est naturel et détendu.
On remarque Tom Santschi, qui sera plus tard à l'affiche de Three Bad Men (1926, J. Ford) qui joue un méchant tranquille et sournois, machouillant négligemment son cigare. Le film comporte plusieurs scènes spectaculaires qui feront les beaux jours des grosses productions à venir. On fait exploser une mine et le film se clot par une bagarre à poings nus entre le méchant et le héros. Il est fort dommage que les cadrages de Campbell accentue une certaine claustrophobie des plans. Nous sommes certes en studios, mais, l'absence de grands plans larges n'arrange rien. La grammaire filmique de Campbell est encore primaire. Il suit chronologiquement le récit, mais, il ne sait pas articuler son récit dans le temps et l'espace. On observe une succession de scènes qui ne s'emboîtent pas parfaitement alors que dans The Bargain, par exemple, on est déjà face à un western parfaitement construit. On a l'impression d'un serial qui aurait été monté à la hâte. Le cinéma américain de 1913 n'avait encore atteint le niveau artistique des meilleurs films européens (français, danois, suédois et russes). Mais, il va faire un pas de géant avec The Birth of a Nation dès 1915. Il semble y avoir un monde entre ce film de Campbell et le film révolutionnaire de Griffith. Il ne s'est écoulé pourtant qu'un an entre ces deux productions. Malgré ces défauts, il faut reconnaître que The Spoilers a des qualités. La reconstitution soignée de l'Alaska (sans neige) est très réussie et les acteurs se fondent parfaitement dans le décor et leurs personnages. On n'a pas chercher à embellir le décor, comme on le fera plus tard. Les acteurs paient de leur personne, sans l'aide d'une doublure. Bessie Eyton se jette à l'eau toute habillée depuis un bateau. Et, Farnum et Santschi se battent à mains nues sans trucages. Dans l'ensemble, un film pas totalement achevé stylistiquement mais qu'il faut voir pour mesurer l'évolution rapide du cinéma américain en 1914.

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