Un film de Jacques Feyder avec Jean Forest, Françoise Rosay, Cécile Guyon et Rolla Norman
Le petit Gribiche (J. Forest) restitue à une riche américaine, Mme Maranet (F. Rosay) son sac qu'elle avait égaré. Il refuse toute récompense. L'enfant vit avec sa mère (C. Guyon) qui est veuve. Mme Maranet décide de l'adopter pour lui donner une éducation à sa juste valeur. L'enfant accepte de la suivre car il croit qu'il est un obstacle au bonheur de sa mère...
C'est Françoise Rosay, l'épouse de Jacques Feyder, qui a trouvé le sujet de ce film dans un roman de Frédéric Boutet. A cette époque, elle assiste son époux sur les tournages comme sur Visages d'enfants (1923) ou elle est figurante dans certains de ses films comme Crainquebille (1922). On ne la trouve pas assez photogénique. Mais, elle a l'idée de s'éclaircir les cheveux en y mettant des paillettes argentées. Soudain, les opérateurs la remarquent, dit-elle ! En tous cas, ce film sera le premier de nombreux rôles principaux sous la direction de Feyder. Le petit garçon du film est Jean Forest, un gamin de Montmartre découvert par Feyder sur la Place du Tertre. Il a déjà brillé dans Crainquebille et surtout dans Visages d'enfants, une des plus belles interprétations d'un enfant au cinéma. Gribiche est le premier d'une série de trois films que Feyder va réaliser pour la société Albatros. Il va y faire la connaissance du génial décorateur Lazare Meerson qui deviendra un des ses collaborateurs les plus fidèles. L'empreinte de Meerson est visible dans tous les intérieurs finement choisis de ce film. Il contraste admirablement le buffet néo-renaissance (très en vogue dans les années 20) de la mère de Gribiche avec le style Art Déco épuré et chic de Mme Maranet. En une image tout est dit, nous sommes immédiatement au fait de la différence de classe sociale entre le petit Gribiche issu de la petite bourgeoisie inpécunieuse et la grande bourgeoise richissime. Le petit garçon ne vit pas dans la misère, loin de là, mais sa mère, veuve de guerre, doit travailler pour subvenir à leurs besoins. Madame Maranet est une veuve américaine avec des principes strictes d'hygiène. Elle pratique la charité avec une rigueur quasi-clinique.
Le petit Gribiche lui semble avoir une nature d'élite (à cause de sa probité en rendant le sac intact) et elle pense pouvoir lui donner une éducation digne de ses qualités. En fait, ses bonnes intentions se révèlent être un désastre. L'enfant passe de domestiques en précepteurs avec une régularité d'horlogerie. Nous ne sommes pas loin ici de Poor Little Rich Girl (1917, M. Tourneur) où Mary Pickford vit un calvaire quasiment identique. De plus, il n'a pas le droit de jouer avec des enfants de son âge et les repas collet monté avec Mme Maranet sont un calvaire pour lui. Il devient un objet qu'elle exhibe face à ses invités où elle raconte à plaisir comment elle l'a sauvé de la pauvreté extrême. Elle enjolive son récit pour en faire un mélo sordide et caricatural. Finalement, l'enfant s'enfuit un 14 juillet. Il retrouve la rue et les petits bals populaires où il peut s'acheter une glace entre deux gauffrettes. Le paradis après l'univers strict de Mme Maranet ! Cette fable moderne montre l'enfant qui retourne chez sa mère où il est bien plus heureux et finalement, Mme Maranet décide de continuer à pratiquer sa générosité mais différemment. Elle a compris qu'on ne pouvait pas changer la nature d'un enfant. Françoise Rosay montre son immense talent en maîtresse-femme habillée de luxueuse robe haute couture. Elle réussit à ne pas être caricaturale dans un rôle qui pourrait l'être. Le petit Jean Forest est excellent en gamin des rues transformé en petit pingouin intelligent pratiquant le baise-main. Si le film n'est pas aussi bon que Visages d'enfants, c'est que l'histoire de cette adoption temporaire n'a pas la crédibilité et la beauté de ce dernier. Néanmoins, il contient de superbes scènes tournées dans le Paris de l'époque. Feyder utilisera Paris encore mieux dans Les Nouveaux Messieurs (1928), annonçant le réalisme poétique d'un Carné qui y travaille comme assistant. Les différences sociales et d'attitude sont illustrées par quelques détails subtils tels que la position d'une serviette de table. Gribiche l'a toujours mise dans son col et il apprend chez Mme Maranet qu'il faut la mettre sur ses genoux. A son retour dans sa famille, il comprend que la serviette n'est pas un objet de classe, mais simplement un moyen d'éviter de se salir. C'est sur cette conclusion optimiste que le film se clôt.
La nouvelle copie restaurée et teintée de 2010 est de toute beauté. J'avais vu en 2008 la précédente restauration en noir et blanc qui n'avait pas ce niveau de qualité. Mais, j'ai constaté qu'une scène manquait dans cette copie. Lors de sa fugue le 14 juillet, Gribiche rencontrait un clochard sous le métro aérien de Grenelle et buvait du vin avec lui. Cette scène est absente de cette copie. Pour ce qui est de la musique proposée avec cette restauration, elle m'a semblé fort ennuyeuse et souvent hors-sujet. Le pianiste pratique une série de thèmes minimalistes en boucle, ignore toutes les scènes comiques, et son compère percussionniste s'amuse à aligner les sons sans se préoccuper de la scène à illustrer. Pour un film aussi vivant et humain, il aurait fallu un accompagnement avec une toute autre sensibilité.
Le petit Gribiche lui semble avoir une nature d'élite (à cause de sa probité en rendant le sac intact) et elle pense pouvoir lui donner une éducation digne de ses qualités. En fait, ses bonnes intentions se révèlent être un désastre. L'enfant passe de domestiques en précepteurs avec une régularité d'horlogerie. Nous ne sommes pas loin ici de Poor Little Rich Girl (1917, M. Tourneur) où Mary Pickford vit un calvaire quasiment identique. De plus, il n'a pas le droit de jouer avec des enfants de son âge et les repas collet monté avec Mme Maranet sont un calvaire pour lui. Il devient un objet qu'elle exhibe face à ses invités où elle raconte à plaisir comment elle l'a sauvé de la pauvreté extrême. Elle enjolive son récit pour en faire un mélo sordide et caricatural. Finalement, l'enfant s'enfuit un 14 juillet. Il retrouve la rue et les petits bals populaires où il peut s'acheter une glace entre deux gauffrettes. Le paradis après l'univers strict de Mme Maranet ! Cette fable moderne montre l'enfant qui retourne chez sa mère où il est bien plus heureux et finalement, Mme Maranet décide de continuer à pratiquer sa générosité mais différemment. Elle a compris qu'on ne pouvait pas changer la nature d'un enfant. Françoise Rosay montre son immense talent en maîtresse-femme habillée de luxueuse robe haute couture. Elle réussit à ne pas être caricaturale dans un rôle qui pourrait l'être. Le petit Jean Forest est excellent en gamin des rues transformé en petit pingouin intelligent pratiquant le baise-main. Si le film n'est pas aussi bon que Visages d'enfants, c'est que l'histoire de cette adoption temporaire n'a pas la crédibilité et la beauté de ce dernier. Néanmoins, il contient de superbes scènes tournées dans le Paris de l'époque. Feyder utilisera Paris encore mieux dans Les Nouveaux Messieurs (1928), annonçant le réalisme poétique d'un Carné qui y travaille comme assistant. Les différences sociales et d'attitude sont illustrées par quelques détails subtils tels que la position d'une serviette de table. Gribiche l'a toujours mise dans son col et il apprend chez Mme Maranet qu'il faut la mettre sur ses genoux. A son retour dans sa famille, il comprend que la serviette n'est pas un objet de classe, mais simplement un moyen d'éviter de se salir. C'est sur cette conclusion optimiste que le film se clôt.
La nouvelle copie restaurée et teintée de 2010 est de toute beauté. J'avais vu en 2008 la précédente restauration en noir et blanc qui n'avait pas ce niveau de qualité. Mais, j'ai constaté qu'une scène manquait dans cette copie. Lors de sa fugue le 14 juillet, Gribiche rencontrait un clochard sous le métro aérien de Grenelle et buvait du vin avec lui. Cette scène est absente de cette copie. Pour ce qui est de la musique proposée avec cette restauration, elle m'a semblé fort ennuyeuse et souvent hors-sujet. Le pianiste pratique une série de thèmes minimalistes en boucle, ignore toutes les scènes comiques, et son compère percussionniste s'amuse à aligner les sons sans se préoccuper de la scène à illustrer. Pour un film aussi vivant et humain, il aurait fallu un accompagnement avec une toute autre sensibilité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire