Joseph Calleia, Jean Harlow et Spencer Tracy |
Un film de J. Walter Ruben avec Jean Harlow, Una Merkel, Spencer Tracy, Mickey Rooney et Joseph Calleia
Hattie (J. Harlow) travaille dans la conserverie de thon d'un petit port. Elle vit chez sa soeur Lil (U. Merkel) où elle partage la chambre des enfants de Lil dont le turbulent Jimmy (M. Rooney). Hattie est amoureuse d'un pêcheur fort en gueule, Dutch Miller (S. Tracy). Mais celui-ci semble l'ignorer...
Comme l'indique le titre 'riffraff' (que l'on pourrait traduire par racaille), la MGM tente avec ce film de concurrencer la Warner sur le terrain du film social. Ce n'est à priori pas gagné d'avance de produire un film avec Harlow et Tracy dans des rôles qui pourraient être joués par Blondell et Cagney. Heureusement, le scénario de ce film est l'oeuvre de la formidable Frances Marion, une des scénaristes les plus respectées d'Hollywood qui a déjà derrière elle deux Oscars et au moins 150 films. Malgré cette renommée, Frances Marion est sur la touche à la MGM. Elle a osé participer à la création d'un syndicat des scénaristes et Louis B. Mayer n'est évidemment pas ravi. Et puis, Marion est l'une des nombreuses femmes scénaristes qui vont être mises au rancart avec l'afflux de jeunes écrivains venus de New York. Comme pour les grandes stars du muet, il y a aussi de profonds changements dans les rangs des scénaristes. Les femmes scénaristes en particulier, très nombreuses dans les années 20, en pâtissent. Marion sait construire une intrigue et des personnages. Elle a écrit The Wind (1928, V. Sjöström), mais aussi un drame sur une émeute en prison, The Big House (1930, G.W. Hill) qui n'a pas à rougir face aux productions les plus violentes de la Warner. Riffraff sera son avant-dernier scénario avant de quitter la MGM. Le film permet à Jean Harlow de sortir de son emploi habituel de blonde platine. Ses cheveux ont retrouvés une couleur plus naturelle et elle n'est ici qu'une fille du peuple qui essaie de s'en sortir. Face à elle, on utilise une nouvelle recrue de la MGM, Spencer Tracy récemment licencié par la Fox. Le début du film, assez proche de la comédie, nous montre l'affrontement de ces deux acteurs au tempérament bien trempé. Hattie a bien du mal avec ce Dutch mal embouché, roublard et passablement sur de lui. Tracy n'est d'ailleurs pas si sympathique que cela. Il est tellement orgueilleux qu'il croit qu'il pourra vaincre le patron de la conserverie Nick Appopolis (Joseph Calleia dans son rôle de gangster huileux). Mais, il s'attaque à un trop gros morceau et le voilà sans le sou après une longue grève. Plutôt que de se battre sur place, il laisse tomber sa jeune épouse Hattie et part à l'aventure. Le film vire alors au mélodrame avec Hattie poursuivie par les assiduités de Nick qui se retrouve en prison tandis que Dutch lui attérit dans un camp pour clochards. Il faut reconnaître que Tracy et Harlow forment un couple bien assorti en terme de jeu. Il se réponde du tac au tac avec entrain. Le tout début du film nous montre la vie guère reluisante de Lil (Una Merkel, le cheveu en berne mais toujours aussi gouailleuse) avec son bon à rien de père et son épouvantable garnement de fils (Mickey Rooney). Quant à Hattie, elle doit subir les assauts du riche Nick qui pense pouvoir l'acheter avec une fourrure. Lorsque le film vire au mélo, on continue à croire aux personnages, même si la construction n'est pas toujours aussi efficace que dans un film de la Warner. Hattie se retrouve dans une prison pour femmes et s'évade par une conduite d'eau. Il n'y a pas beaucoup de traces de glamour dans tout cela, même si Harlow reste plutôt bien coiffée lors de tous ces épisodes. La fin qui se veut optimiste ne semble pas très convaincante. Après tant de noirceur, proche de Heroes for Sell (1933, WA Wellman), on attendrait quelque chose de plus percutant. Mais, c'est vrai, le Production Code est maintenant en vigueur et nous sommes à la MGM. Le réalisateur, J. Walter Ruben, qui avait fait quelques bons Pre-Codes à la RKO avant de rejoindre la MGM, n'est pas un crack, mais un bon technicien de studio. Au total, le film reste un plaisir grâce aux deux interprètes principaux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes. Cette tentative de 'film social MGM' est finalement plutôt une réussite, malgré quelques bémols.
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