vendredi 30 janvier 2015

Le Gardien du feu 1924

Thumette (Alice Tissot) surveille
Delaïk (M.-L. Iribe) et Louarn (M. Floresco)

Un film de Gaston Ravel avec René Navarre, Marie-Louise Iribe, Michaël Floresco et Alice Tissot

Le gardien de phare Goulven Névès (R. Navarre) a épousée la jolie Delaïk (M.-L. Iribe). Leur mariage est heureux jusqu'au jour où il est nommé sur le phare de Gorlebella qui est situé en haute mer...

Gaston Ravel est bon artisan dont j'ai maintenant vu quatre longs métrages et un certain nombre de courts-métrages Gaumont. Il a un métier solide à défaut d'une grande imagination. Ce Gardien du feu fait cependant partie de ses meilleurs oeuvres avec Jocaste (1925). A partir d'un roman régionaliste d'Anatole Le Braz, il tisse un drame intimiste sur fond de Bretagne "bretonnante". René Navarre est un gardien de phare à cheval sur les principes qui a du mal à comprendre le mal être de sa jeune et jolie épouse (une délicieuse Marie-Louise Iribe) qui vient de Tréguier. Elle ne s'adapte pas à l'univers hostile et âpre du Finistère qui semble incarné dans la silhouette noire et sinistre de Thumette Chevanton (Alice Tissot), une autre femme de gardien qui vient de l'Ile de Sein. Ce qui devait arriver arrive: Delaïk trompe son époux - absent durant des mois - avec son cousin, le joyeux Hervé Louarn (Michaël Floresco). Elle suscite ainsi la jalousie de Thumette, elle aussi éprise de Louarn. Elle prend plaisir à informer l'infortuné époux qui va ourdir une vengeance machiavélique. La structure du film est une agréable surprise en ce que l'histoire de Goulven nous est contée par une série de flash-backs alors qu'il a enfermé les amants dans une chambre du phare où il va les laisser mourir de faim, de soif et de folie. Tourné en Bretagne, le film capture la brise marine et l'âpre paysage de la pointe du Raz. Ce nouveau tirage de la Cinémathèque est d'excellente qualité et permet d'apprécier le travail des opérateurs. Les acteurs sont en parfait accord avec leur personnage, de Marie-Louise Iribe, en jeune épouse vive et joyeuse à René Navarre, l'époux trompé dont l'amour tourne à la haine ainsi qu'Alice Tissot en sombre créature envieuse et mauvaise. Le film ne souffre que d'une narration un peu trop étirée avec sa durée de 104 min car la tension se relâche aux deux tiers du film. Sans aucun doute, un des meilleurs films de Gaston Ravel.

lundi 5 janvier 2015

Le Comte de Monte-Cristo 1918

"Le Pharaon" rentre dans le port de Marseille
Un film d'Henri Pouctal avec Léon Mathot, Nelly Cormon, Marc Gérard, Gilbert Dalleu, Alexandre Colas et Henri Mayer

1815, le marin Edmond Dantès (L. Mathot), qui s'apprêtait à épouser Mercédès (N. Cormon), est arrêté et envoyé au secret au Château d'If pour 14 ans suite à la lettre de dénonciation de Danglars (A. Colas), Caderousse (G. Dalleu) et Fernand (Jean Garat)...

Dantès (Léon Mathot) est conduit au Château d'If
Le roman d'Alexandre Dumas a suscité de multiples versions cinématographiques. Henri Fescourt en a réalisé une magnifique en 1928 intitulée Monte-Cristo qui utilisait merveilleusement les décors naturels. En fait, dès 1914, Henri Pouctal était au travail pour réaliser une version en 8 épisodes du roman de Dumas, sur les lieux mêmes de l'action imaginée par l'auteur. Cette production a subi quelques vicissitudes. Le film avait été commencé avec Jean Angelo dans le rôle-titre, avant l'entrée en guerre. Il dut abandonner le film suite à la mobilisation générale d'août 1914 et fut remplacé par Léon Mathot. Ce dernier raconte que le tournage fut particulièrement éprouvant. Ils tournèrent au Château d'If qui servait à l'époque de centre de détention pour les étrangers indésirables. Le lieu grouillait de vermine et Mathot devait piquer une tête dans la Méditerranée pour se débarrasser des poux qui infestait ses vêtements après une journée de tournage. Il faillit se noyer le jour où ils tournèrent l'évasion de Dantès du Château d'If. Il devait nager vers une tartane secourable, mais soudain le vent se leva et la mer devint mauvaise. Pouctal insista pour tourner la séquence car leur maigre budget de 3.500 francs par jour était écorné. Finalement, il sauta à l'eau et ne put jamais rejoindre la tartane emportée par le vent et les courants. Il fut repêché, épuisé, une heure et demi plus tard sans que la scène ait pu être prise... 
Bertuccio (Gaston Modot) et l'abbé Busoni (L. Mathot)
Ce récit me laissait supposer que le film devait avoir une atmosphère toute particulière et c'est le cas. Henri Pouctal est sans le moindre doute un excellent metteur en scène et l'un des meilleurs des années 1910. La vision successive d'Alsace (1916) et de Travail (1919) m'avaient déjà convaincue de ses qualités qui sont confirmées par ce superbe Comte de Monte-Cristo. Dès les premières scènes, j'ai été séduite par la qualité de la composition photographique et j'ai immédiatement pensé qu'il devait y avoir un maître derrière la caméra. C'était effectivement le génial Léonce-Henri Burel, un des opérateurs favoris de Gance. De l'entrée du "Pharaon" dans le port de Marseille à l'évasion de Dantès, il capture magnifiquement la lumière méditarréenne avec des effets de clairs-obscurs sur les visages et sur la mer. Le récit original qui était réparti sur 8 épisodes n'est malheureusement maintenant disponible que sous la forme d'une version réduite à 3 heures dans la copie présentée par la Cinémathèque Royale de Belgique sur le site European Film Gateway. Qu'importe, même si le récit est parfois un peu haché (et certaines scènes sont visiblement manquantes), on suit avec intérêt la vengeance de Dantès contre ses ennemis. Léon Mathot a parfois un peu tendance à abuser de la technique de la "réaction face à la caméra", mais il endosse avec talent le rôle de Monte-Cristo. J'ai aussi reconnu Gaston Modot qui joue Bertuccio, le factotum de Monte-Cristo. Dans le Monte-Cristo de 1928, il est monté en grade et est devenu le traître Fernand Mondego, alias le Comte de Morcerf. Une excellente production qui montre la place importante qu'occupe Henri Pouctal dans l'histoire du cinéma français.

jeudi 1 janvier 2015

Maurice Tourneur - Réalisateur sans frontières (I)

Je profite de la nouvelle année pour vous souhaiter à tous une très heureuse année 2015 et pour vous annoncer la sortie de mon livre Maurice Tourneur - Réalisateur sans frontières qui sortira à la fin du mois de janvier 2015 chez La Tour Verte. Il s'agit de la toute première biographie détaillée de ce grand cinéaste franco-américain qui offrira un panorama complet de sa carrière et de sa vie accompagné d'une riche iconographie composée pour la plupart d'images inédites. Voici le synopsis du livre:
"En 1914, un cinéaste français inconnu arrive à New York. Quatre ans plus tard, Maurice Tourneur est devenu l’un des plus grands réalisateurs américains avec D. W. Griffith et C. B. DeMille. Celui qui a dirigé les plus grandes stars françaises et américaines était un personnage complexe autant haï qu’admiré. Pour la première fois, la vie et l’ensemble de la carrière de Maurice Tourneur ont fait l’objet de recherches approfondies. De ses débuts comme peintre à sa carrière dans le cinéma parlant, il apparaît comme un des cinéastes phares du vingtième siècle qui a formé deux grands réalisateurs, Clarence Brown et son fils Jacques. Des archives inédites jettent un jour nouveau sur ce personnage hors du commun dont la vie est un roman."
La sortie du livre sera accompagnée de plusieurs événements. Tout d'abord, je serai
à La Cinémathèque de Toulouse (69 rue du Taur, Métro: Capitole) 
le vendredi 6 février 2015 pour dédicacer mon livre à 18h00 et 
je présenterai deux séances lors de la rétrospective Tourneur, père et fils: 
Le 6 février 2015 à 19h00 
Au nom de la loi (1932) 
 Le 6 février 2015 à 21h00
The Last of the Mohicans (Le Dernier des Mohicans, 1920)
L'autre événement est une conférence aux Archives de Paris
18 Boulevard Sérurier, Paris 19e (Métro: Porte des Lilas) 
le mercredi 11 février 2015 à 17h00 (entrée libre). 
La conférence s'intitule:
Maurice Tourneur (1876-1961) - Un cinéaste dans les deux guerres mondiales. 
J'y présenterai de nombreux documents inédits. La présentation sera suivie d'une séance de dédicace.

Je vous tiendrai au courant de la parution et des autres événements qui sont encore en préparation sur ce Blog. Restez en ligne!