dimanche 25 décembre 2011

Der geheime Kurier 1928

Le Rouge et le noir
Un film de Gennaro Righelli avec Ivan Mosjoukine, Lil Dagover, Jean Dax, José Davert et Agnes Petersen

Julien Sorel (I. Mosjoukine) est employé comme secrétaire du bourgmestre M. Rénal (José Davert). Il est l'amant de la femme (L. Dagover) de celui-ci. Mais, lorsqu'on lui offre un poste de secrétaire à Paris chez le Marquis de la Môle (J. Dax), il part immédiatement...

Lil Dagover et José Davert
Les spécialistes de Stendhal furent profondément offusqués par l'adaptation du Rouge et le Noir réalisée par Claude Autant-Lara en 1954. Je me demande quelle aurait été leur réaction face à cette production allemande de 1928 réalisée par un italien et jouée par un russe. En effet, le scénario est une telle trahison du roman de Stendhal qu'on peut imaginer que l'auteur a dû se retourner dans sa tombe. Les éléments sociaux qui marquaient les différences de classe qui obsèdaient Julien Sorel ont été pratiquement tous éliminés. Monsieur Rénal n'est plus un aristocrate, mais un simple bourgeois mal dégrossi qui boit. Son épouse insatisfaite se réfugie dans la chambre de son amant et lui demande même de supprimer son mari pour retrouver sa liberté. Un fois à Paris, Julien est envoyé à Strasbourg par le Marquis de la Môle pour transporter une missive secrète, fruit d'un complot pour faire tomber Charles X. Et à la fin, Julien au lieu de mourir sur l'échafaud, meurt en héros sur une barricade lors de la révolution de 1830. Une fois ces éléments établis, si on fait abstraction de cette trahison, on peut examiner le film en tant qu'oeuvre cinématographique.
Le film de Righelli n'est pas dépourvu d'intérêt. Il sait créer une atmosphère (même si elle n'est pas Stendhalienne). Le début du film chez les Rénal est assez savoureux. On voit la belle Lil Dagover, en léger déshabillé, ouvrir la porte de sa chambre et illuminer en ombres chinoises ses formes gracieuses alors qu'elle s'apprête à rejoindre son amant. Il faut d'ailleurs souligner la qualité de l'interprétation de Lil Dagover. Elle donne à Mme Rénal une sensualité tout à faite remarquable. C'est elle, avec Mosjoukine, qui domine le film. Les scènes chez le Marquis de la Môle marque une petite baisse de régime. On sent que le film a été écrit avec la légende de Mosjoukine en tête lorsqu'on le voit escalader le balcon de Mlle de la Môle et la séduire tout de go. Ce Julien Sorel est un petit frère de Casanova. Puis, on nous met quelques belles chevauchées où Julien echappe de justesse aux gendarmes. Dans une auberge, il est presque démasqué par une jolie servante. Pour l'empêcher de nuir, il utilise un stratagème : il déshabille entièrement la malheureuse qui se retrouve en tenue d'Eve (une vision fort coquine pour l'époque). Autre belle réussite : la tentative de meurtre sur Mme Rénal. On voit Mosjoukine lui tirer dessus à bout portant et quelques plans en caméra subjective suggère la chute de Mme Rénal. Le final sur les barricades de 1830 fait presque penser aux Misérables de Victor Hugo. Et le procès de Julien semble être plus politique qu'autre chose alors qu'il clame son soutien à Louis-Philippe ! Gennaro Righelli, un pionnier du cinéma italien, réalise tout cela avec une certaine fougue, même s'il n'est pas à l'avant-garde de la technique comme Alexandre Volkoff ou Marcel L'Herbier. 
Julien Sorel : Ivan Mosjoukine
En 1928, Ivan Mosjoukine est sur la pente descendante. Après une période glorieuse dans le cinéma français des années 20, il part pour l'Amérique où il ne fera qu'un seul film qui ne sera pas un succès. Puis, il part pour l'Allemagne où on lui offre un contrat faramineux de 600 000 francs par mois. Il mène grand train et épouse même sa partenaire du film, Agnes Petersen, qui joue Mlle de la Môle. Cependant, la qualité des productions dans lesquelles il joue est bien inférieure aux grands films qu'il faisaient en France. Et l'arrivée du parlant va définitivement le crucifier. En arrivant en Allemagne, il a subi une opération de chirurgie esthétique qui a modifié son visage, en particulier son nez. Cette opération reste mystérieuse : pourquoi l'a-t-il tentée ? En tout cas, le résultat n'est guère heureux. Ivan a perdu une partie de son entrain et de son charisme. 
Au total, cette trahison de Stendhal est un film qui se laisse regarder avec plaisir grâce à ses interprètes, à sa mise en scène et à sa belle cinématographie.

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