lundi 19 septembre 2011

La Croisière Noire 1926


Un film de Léon Poirier

En 1924, André Citroën organise une traversée du continent africain, par les colonies françaises, sur huit autochenilles. Cette expédition, nommée Haardt Audoin-Dubreuil, a une portée plus politique et coloniale qu'une simple publicité pour la robustesse des voitures Citroën. Lors du départ, on embarque le cinéaste Léon Poirier avec son opérateur, Georges Specht. Ce dernier est un vétéran du cinéma. C'était l'un des collaborateurs favoris de Léonce Perret à la Gaumont dans les années 10. Durant huit mois, ils vont traverser les déserts, la brousse et la forêt tropicale. Dans ces années 20, la France coloniale est à son apogée et elle veut montrer au grand public l'immensité de son empire ainsi que la (soi-disant) puissance civilisatrice qu'elle apporte aux africains. Le film est certainement teinté du paternalisme et des préjugés raciaux de l'époque. On part découvrir des 'peuplades étranges' ainsi que les animaux qui peuplent les plaines et les forêts. Le film est dédié à la 'jeunesse française', ce qui en dit long sur les intentions des commanditaires. Néanmoins, le cinéaste fait l'effort de filmer toutes les tribus dans chaque ville, village ou forêt. On nous montre leurs danses rituelles en utilisant parfois le ralenti pour nous permettre d'apprécier la grâce du mouvement des femmes. Ce n'est pas vraiment encore de l'ethnologie car le regard est vraiment condescendant. Le voyage lui-même est impressionnant par sa longueur, par la variété des terrains et des paysages rencontrés. On passe du désert du Sahara, de sable ou de pierre, pour arriver au fleuve Niger. On descend alors le fleuve jusqu'à Niamey avant de partir vers le Lac Tchad à l'est. Ce lac ressemble à une mer intérieure par sa dimension. Après une traversée du Congo belge, ils partent vers le Mozambique, à travers une dense forêt tropicale, d'où ils prennent le bateau vers Madagascar (une carte détaille ici leur voyage). L'ensemble des colonies françaises a donc été couvertes par ce voyage. Chaque arrivée dans une ville est soigneusement mise en scène avec déploiement de troupes au grand complet. En chemin, on organise des safaris où on tue, sans retenue, gazelles, lion, hippopotame, girafes... Des scientifiques sont embarqués pour ramener des échantillons au Museum d'Histoire Naturelle. La conception de la connaissance animale de l'époque semble se limiter à tuer et dépecer. On tue aussi des gazelles pour nourrir les gens de l'expédition. Quant au regard sur les africains eux-même, il est assez proche de celui que l'on réserve à une espèce différente des européens. La rencontre avec une tribu pygmée est particulièrement impressionnante. Un petit homme, d'une agilité incroyable, se meut parmi les lianes et les arbres. Je n'ai pu m'empêcher de songer au Mowgli du Livre de la Jungle. On découvre leur habitat en feuilles sous l'épaisse canopée de la forêt tropicale. Une autre tribu, en Afrique de l'est (probablement une colonie anglaise), a conservé un style vestimentaire et décoratif sur leurs huttes qui rappellent les motifs de l'ancienne Egypte. Le massacre des hippopotames dans l'eau est également hallucinant. On leur tire dessus, ils coulent. Il faut attendre le lendemain matin que leurs cadavres ré-émergent pour pouvoir les sortir de l'eau avant de les tronçonner avec une scie et une hache ! Au total, même si la réalisation de Léon Poirier n'est guère imaginative, le documentaire se voit avec beaucoup d'intérêt. Mais, il lui manque la qualité narrative et de suspense que savent apporter Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack à Grass (1925). En tous cas, c'est un film qui mérite d'être étudié pour connaître cette France colonialiste des années 20.

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