Un film de Rowland Brown avec Spencer Tracy, Sally Eilers, Marguerite Churchill et George Raft
'Bugs' Raymond (S. Tracy) est un chauffeur de poids lourds qui rêve de faire fortune. Il devient racketteur en demandant de l'argent aux firmes de transport. Devenu riche, il pense pouvoir fréquenter le beau monde...
Les films du début de carrière de Spencer Tracy restent peu connus car ils ont été tournés au sein de la firme Fox (avant son rachat par XXth Century Pictures) qui diffuse peu son catalogue. Quick Millions fut considéré comme perdu jusque dans les années 70 où William K. Everson le projeta à New York. Ce film est signé Rowland Brown, un scénariste qui ne réalisa que trois films. En effet, il donna un coup de poing à un producteur ce qui eut pour effet de le mettre sur une liste noire permanente. En tous cas, ce scénariste nous offre là un film sur les gangsters et la corruption qui est vraiment dans l'air du temps. La prohibition bat son plein et les bootleggers font des fortunes. Ici, Spencer Tracy n'est pas le bon garçon qu'il sera plus tard. C'est un arriviste qui veut avoir de l'argent à tout prix. Sa morale personnelle reflète ces années troublées qui précèdent l'abolition de la prohibition. La corruption parmi les élites est généralisée. D'immenses fortunes se font en un rien de temps. Tracy le dit nettement son business "consiste à obtenir ce que les autres possèdent, en étant aimable." Quant aux lois, elles sont selon lui "faites par des avocats pour que d'autres avocats les enfreignent." L'immoralité ambiante est encore renforcée par les diners organisés par les racketteurs où toute la bonne société se rassemble. On retrouve un peu l'ambiance de Afraid to Talk (1932, E.L. Cahn). Tracy est entouré de sbires qui vont faire les sales besognes pendant que lui fréquente un grand patron de la construction, tout en lorgnant la soeur de celui-ci (M. Churchill). On reconnait parmi eux, un débutant à la jambe agile, George Raft qui fait une belle démonstration de ses talents de danseur mondain dans une séquence. Le film avance rapidement avec des séquences courtes et rapides, et pratiquement sans musique. L'ascension sociale de Bugs sera de courte durée car lorsqu'il voudra devenir 'honnête', ses complices vont se débarrasser de lui rapidement. Les scènes de violence sont toujours suggérées plus que montrées dans ce film. Il y a une excellente scène de meurtre où un journaliste se fait descendre. La scène est vue sous une table. Un corps tombe à terre et une ombre portée sur un mur dirige un révolver vers lui pour l'achever. Le film se veut néanmoins porteur d'un message. Un procureur (Henry Kolker) fait un long discours où il tente de secouer l'apathie de cette ville corrompue. Selon lui, la république est en danger si l'Etat ne se réveille pas pour mettre fin aux agissements des bootleggers et des racketteurs. Tracy, dont c'est seulement le deuxième film, montre déjà l'étendue de son talent. Il offre un portrait intéressant de gangster sans scrupules, mais non dépourvu de charme. Si on le met en regard avec les deux autres gangsters de cette année-là, James Cagney dans The Public Enemy et E.G. Robinson dans Little Caesar, Tracy est plus un arriviste qu'un tueur. En tous cas, ce film m'a certainement donné envie de découvrir les deux autres films de Rowland Brown, Hell's Highway (1932) et Blood Money (1933) qui semblent tous deux fort intéressants, mais également fort rares.
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