Ivan Mosjoukine, Andrée Brabant et Henry Krauss |
Un film d'Alexandre Volkoff avec Ivan Mosjoukine, Henry Krauss, Andrée Brabant et Nathalie Lissenko
Louis Barclay (I. Mosjoukine) vit dans le sud de l'Angleterre entre son père authoritaire (H. Krauss) et son épouse Alice (A. Brabant). Son existence est régulée par son père, selon les préceptes de Henry David Thoreau. Mais, un jour, il reçoit une lettre lui demandant de se rendre à Paris pour toucher un énorme héritage...
Ce film d'Alexandre Volkoff produit par la société Albatros a été écrit par Mosjoukine lui-même avec Kenelm Foss. Ne cherchant aucunement à adapter une quelconque pièce de théâtre ou un roman, il laisse libre court à son imagination. Il veut utiliser ses qualités comiques qui sont absolument évidentes dès ses premiers films tel que l'hilarant Domik v Kolomne (La petite maison à Kolomna, 1913) où il se travestit en cuisinière. Mais, en 1924, il trouve son inspiration dans les comiques américains qu'il révère. Son Louis Barclay, naïf et exhubérant, doit beaucoup à Buster Keaton et à Chaplin. Ce qui rend les films de Mosjoukine si attractifs et si différents de la production française des années 20, c'est leur ton et leur narration. Il utilise les éléments habituels du mélodrame à la française en leur ajoutant une fantaisie venue de la comédie américaine et des éléments de tragédie purement russes. Avec Les Ombres qui passent, il se crée pour lui-même le personnage le plus fantaisiste de sa carrière française. Ce jeune anglais, totalement dominé par son père, mène une vie heureuse à la campagne. Il part à cheval de bon matin avec son épouse Alice pour aller se baigner. Ils sont tous deux en maillot de bain et semble adorer cette vie sans soucis. Mais, il reste les contraintes imposées par son père : la lecture du Walden de Thoreau tous les soirs, la prière avant le dîner et un manque de liberté général. L'arrivée d'une lettre annonçant un héritage va lui permettre de changer d'air. Il s'achète un costume (de deuil, son père a précisé) parfaitement ridicule avec un pantalon très court et une veste large qui lui donne un air Keatonien en diable. Son père lui fait emporter une giganstesque couronne mortuaire dont il espère pouvoir se débarrasser rapidement. Inutile de dire qu'il ne passe pas inaperçu en arrivant à l'hôtel Impérial à Paris. Sa défroque provoque le rire et son attitude sans complexe dans le restaurant continue à susciter l'ironie. Mais, comme les bruits vont vite, des aigrefins ont vent de son gros héritage. Les sinistres John Pick (Georges Vaultier) et Baron Ionesko (Camille Bardou) le mettent en présence d'une de leur complices, la belle Jacqueline (N. Lissenko). Oubliant héritage et famille, Louis change d'apparence pour devenir un homme du monde parisien et poursuit cette sirène enveloppé d'extravagantes tenues signées Paul Poiret. L'aventurière est elle aussi attendrie par ce jeune homme simple et renonce à lui extorquer son argent. Louis ne songe plus alors qu'à suivre la belle Jacqueline jusque dans son château en Corse. Le film vire insensiblement de la comédie à la tragédie. Et cette transition est une belle réussite avec un final poétique où l'aventurière disparaît et Louis retourne à sa vie antérieure, avec certainement de lourds regrets qu'il n'exprime pas. Le film entier est un festival Mosjoukine qui utilise tous les ressorts de son talent comique et dramatique avec une verve et un entrain communicatif. Mais, autour de lui, les autres acteurs ne sont pas en reste. Le vétéran Henry Krauss des grands films d'Albert Capellani des années 10, est un père autoritaire de poids, la blonde Andrée Brabant est une Alice espiègle et la brune Nathalie Lissenko, la partenaire de longue date de Mosjoukine, est une sirène mystérieuse. Il faut aussi ajouter le superbe travail des techniciens : les décors superbes d'Alexandre Lochakoff et la très belle photo de Fédote Bourgassoff. La copie teintée de la Cinémathèque est de toute beauté. J'avais déjà vu ce film en 2008 et le revoir a été un plaisir de tous les instants. Un des meilleurs films de Mosjoukine.
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