samedi 6 août 2011

The Power and The Glory 1933


Thomas Garner
Un film de William K. Howard avec Spencer Tracy, Ralph Morgan, Colleen Moore et Helen Vinson

Les funérailles du magnat des chemins de fer Thomas Garner (S. Tracy) se déroulent devant un public choisi. Son ancien secrétaire, Henry (R. Morgan) se remémore la vie de son ami Thomas parti de rien...

Ce film de William K. Howard est célèbre car on le considére comme un film précurseur du Citizen Kane d'Orson Welles. Bien qu'Orson Welles réfute avoir vu le film d'Howard, il y a entre les deux oeuvres des similarités. Le scénario est l'oeuvre de Preston Sturges qui était à l'époque un jeune dramaturge à Broadway. Il tirait le diable par la queue et décida de se lancer dans l'écriture d'un scénario en free-lance et de le proposer ensuite à différentes sociétés de production. Cette méthode de travail était pour le moins inhabituelle à l'époque où les grandes compagnies travaillaient avec une ligne de production intégrée. Sturges produisit un scénario totalement atypique par son contenu et sa structure. Au lieu de suivre une narration linéaire et chronologique, Sturges produisit un script qui déroule la vie d'un grand magnat par une suite de flash-backs qui s'imbriquent les uns dans les autres sans rechercher la moindre chronologie. De plus, il choisit de nous donner un récit subjectif par la voix de l'ami de Thomas Garner. La plupart des scènes sont présentées avec la voix-off du narrateur qui double également la voix des personnages. Le studio Fox, qui acheta le scénario de Sturges, fit d'ailleurs une campagne de promotion pour mettre en valeur cette structure narrative innovante. Ils parlèrent de 'narratage', un néologisme créé à partir de narrative et montage. Preston Sturges nous raconte l'ascension spectaculaire d'un homme illétré employé d'un chemin de fer qui devient un magnat. Mais, cette ascension se termine par un suicide.
Loin d'être un héros, Thomas Garner se révèle, au fil du récit d'Henry, être un homme sans foi ni loi. Et l'habilité de Sturges réside dans cette narration qui nous fait découvre scène par scène les différents visages de Thomas de l'enfance à la mort. Il règne une profonde ambiguité dans ce portrait. Garner est d'abord présenté comme un gamin casse-cou qui aime être le chef de la bande. Puis, c'est un jeune homme sans grande ambition qui va apprendre à lire avec Sally (Colleen Moore) une institutrice qui deviendra sa femme. C'est sous son impulsion qu'il décide de retourner étudier pour avoir un meilleur travail. Devenu riche et célèbre, il se désintéresse de Sally, maintenant vieillie, pour Eve, une jeune femme de la haute société (H. Vinson). Peu de temps après le suicide de sa femme, il se remarie avec Eve, qui a l'âge de son fils, né de son premier mariage. Ce mariage sera une erreur fatale. Il découvre plus tard qu'Eve le trompe et pire encore, que leur enfant n'est de lui. Désespéré, il se suicide. Spencer Tracy assume ce rôle très complexe de Garner de l'âge de 20 ans à 50 ans avec un énorme talent. C'est ce film qui va faire réaliser aux patrons de la Fox qu'ils ont entre les mains un acteur de tout premier plan. Pour le rôle de Sally, la Fox a embauché Colleen Moore, une ancienne star du muet qui n'a pas fait un seul film depuis quatre ans. Elle montre là qu'elle n'avait pas de problèmes avec le parlant, même si sa carrière marquera le pas par la suite. L'aspect social du film est également ambigu. Nous sommes en pleine dépression lorsque le film est tourné en 1932. Au lieu de promouvoir le rêve américain du self-made-man, Sturges nous fait le portrait d'un magnat qui utilise des méthodes de gangsters (intimidation, délit d'initié, etc.). Mais, en même temps, certains aspects le rendent sympathique telle que cette scène où il découvre son fils nouveau-né et récite une prière pour remercier Dieu de le lui avoir donné. Mais, sa vie se révèle être un échec personnel qui le mène au suicide. Inutile de dire qu'avec un sujet aussi sombre le public ne fut pas au rendez-vous. Sturges reçut l'autorisation -inouie pour l'époque!- d'assister au tournage du film en tant que scénariste. William K. Howard réalise là un film tout à fait passionnant. Ce réalisateur mériterait d'être redécouvert, en particulier ses films muets, fort peu visibles.

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