mardi 29 novembre 2011

Q Planes 1938

Armes Secrètes
Un film de Tim Whelan (& Arthur Woods) avec Ralph Richardson, Valerie Hobson et Laurence Olivier

Charles Hammond (R. Richardson) est un agent secret chargé de retrouver la trace de prototypes d'avions qui ont disparu mystérieusement en mer. Il se rend à la société Barrett où un nouveau prototype va bientôt être testé ...

Ce film britannique réalisé par l'américain Tim Whelan, ancien gagman de Harold Lloyd, est une petite merveille de drôlerie. J'ai été stupéfaite de reconnaître un rythme étourdissant, proche de la 'screwball comedy', dans un film anglais de cette époque. Les trois acteurs principaux s'en donnent à coeur joie dans ce pré-James Bond des années 30 qui doit certainement beaucoup à son réalisateur. Mais, c'est Ralph Richardson qui crève l'écran avec une performance comique et décalée qui montre un sens comique absolument formidable. Apparemment, son personnage d'espion élégant avec chapeau melon et parapluie inspira (bien plus tard) les créateurs de John Steed dans The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir). En tout cas, il porte le film avec finesse et détachement, avec un gag récurrent. On le voit téléphoner précipitamment à sa petite amie Daphne pour lui dire qu'il ne sera au rendez-vous, tandis que celle-ci essaie de lui dire quelque chose qu'il n'a pas le temps d'entendre. De son côté, la géniale Valerie Hobson est la soeur de Richardson, qui travaille dans le journalisme et enquiquine quelque peu son cher frère. Elle est insolente, élégante et formidable. Laurence Olivier est un peu en retrait par rapport à ses deux comparses en pilote d'essai casse-cou. Il faut ajouter que le film comporte quelques scènes qui annoncent les futurs James Bond avec le 'harponnage' en plein vol d'avions qui sont ensuite chargés sur un cargo. Ce qui pourrait être un film de propagande sans intérêt devient un soufflé léger et euphorisant. Absolument délicieux.

mercredi 16 novembre 2011

Love is a Racket 1932


Un film de William A. Wellman avec Douglas Fairbanks Jr., Frances Dee, Ann Dvorak, Lee Tracy, Lyle Talbot et André Luguet

Jimmy Russell (D. Fairbanks Jr.) est un journaliste spécialisé dans les potins à Broadway. Il côtoie les racketeurs et les chorus girls toute la journée. Il est très amoureux de la belle Mary Wodehouse (F. Dee), une apprentie comédienne qui cherche à percer. Mais, elle a des dettes et celles-ci sont rachetées par un racketeur notoire, Eddie Shaw (Lyle Talbot)...

Ce pre-code signé Wellman se déroule dans le milieu interlope de Broadway. On y croise racketeurs, bootleggers, producteurs, jeunes starlettes et le journaliste Jimmy Russell qui vit en immersion dans ce milieu pour alimenter ses chroniques en commérages croustillants. Il n'a rien d'un héros et c'est sans aucun doute un homme à femmes qui passe de l'une à l'autre à grande vitesse. Il va néanmoins tomber de haut en s'amourachant de Mary Wodehouse, une jeune starlette. Celle-ci se refuse à lui, mais il persiste. Et il va aller très loin pour la sortir d'un mauvais pas. Ses chèques sans provision ont été rachetés par un racketeur qui souhaite l'ajouter à son tableau de chasse. Finalement, il sera tué et Jimmy couvrira le meurtre en le maquillant en suicide. Malgré tout, Mary le laissera tomber pour un homme plus riche qui peut lui assurer une carrière à Broadway. Ce film de 70 min est très bien joué par un Douglas Fairbanks Jr. comme un poisson dans l'eau en journaliste fouineur et la délicieuse Frances Dee joue de sa séduction avec habilité. Un bon petit Wellman.

Stage Struck 1925


Vedette
Un film d'Allan Dwan avec Gloria Swanson, Lawrence Gray, Gertrude Astor et Ford Sterling

Jennie Hagen (G. Swanson) est serveuse dans un petit restaurant minable. Elle est follement amoureuse de Orme Wilson (L. Gray) qui prépare les crêpes. Hélas, il ne s'intéresse qu'aux actrices. Jennie songe à en devenir une pour lui plaire...

Cette comédie signée Allan Dwan a la particularité de contenir plusieurs séquences en Technicolor bichrome, au début du film et à la fin. Le film joue de l'image de Gloria Swanson telle qu'elle avait été véhiculée par les films de DeMille. Le début du film introduit d'une manière tonitruante une grande actrice vêtue de tenues totalement extravagantes, le tout en Technicolor. Alors que l'actrice se lance dans une interprétation de Salomé et attrape le plateau d'argent où repose la tête de Saint Jean-Baptiste, nous retombons sur terre. La serveuse Jennie Hagen est là, le plateau à la main, en train de se faire houspiller. Tout ce que nous avons vu n'était qu'un beau rêve éveillé de Jennie. Le Technicolor disparaît remplacé par le sépia. Gloria Swanson est mise à rude épreuve dans ce film, comme dans Manhandled (1924, A. Dwan). Elle se débat au milieu d'une salle de restaurant bondée où elle tente tant bien que mal de servir les tables face au flot de clients qui l'envahissent. Vêtue d'une robe informe et à peine coiffée, elle ne projette que fort peu de sex-appeal. Il n'est guère étonnant que Lawrence Gray ne la remarque pas, dans sa chambre tapissée de photos de stars de cinéma. Je n'ai pu m'empêcher de penser au chef d'oeuvre comique de King Vidor The Patsy (1928) où Marion Davies a aussi beaucoup de mal à attirer l'attention du même Lawrence Gray en parodiant de grandes stars d'Hollywood. Ici, dans une courte scène, Gloria fait de même, trois ans avant le film de Vidor. Jennie suit des cours par correspondance pour devenir actrice, une des excroqueries typiques de ces années 20. Puis, elle se retrouve face à une rivale féroce, jouée par avec talent par Gertrude Astor, une actrice d'un show-boat. Elle change son apparence en singeant le style de sa rivale, puis se fait engager par le patron du show-boat pour un match de boxe ! Jennie arrivera finalement à capturer le coeur de son Orme après bien des péripéties. Dans ce film, Gloria semble retourner à ses débuts à la Keystone et à son slapstick tonitruant. Elle s'en sort bien. Mais, finalement, elle était plus attachante dans Manhandled qui offrait plus d'humour et moins de chutes. Une comédie sympathique.

samedi 5 novembre 2011

La Terre Promise 1924


Un film de Henry Roussell avec Raquel Meller, Max Maxudian, Tina de Izarduy, Pierre Blanchar, Albert Bras et André Roanne

En Bessarabie, dans un ghetto juif, la famille Sigoulim célèbre la Pâques juive. Samuel Sigoulim (A. Bras) est un rabbin pieux qui vit selon la tradition talmudique alors que son frère Moïse (M. Maxudian) lui s'est lancé dans les affaires. Moïse fait fortune dans le pétrole et part pour Londres emmenant ses deux jeunes nièces Lia (R. Meller) et Esther (T. de Izarduy)...

Henry Roussell est une figure oubliée du cinéma muet français. Il mériterait pourtant d'être redécouvert car il est l'un des rares metteurs en scène de cette époque qui pouvait être aussi appelé un 'auteur' avant même que ce terme ait été créé. En effet, Henry Roussell, en plus d'être un excellent acteur, écrivait lui-même les scénarios de ses films et ceux-ci n'étaient pas de simples adaptations de romans ou de pièces de théâtre, mais des scénarios entièrement originaux. Ayant déjà pu voir plusieurs films d'Henry Roussell, j'ai toujours été conquise par sa capacité à faire vivre ses personnages dans leur milieu naturel, quel qu'il soit: dans L'Ile enchantée (1927), nous sommes en Corse où la tradition affronte la modernité alors qu'un barrage hydroélectrique est en construction, dans Violettes Impériales (1923), déjà avec Raquel Meller, une petite bouquetière de Séville devient la coqueluche de Paris sous le Second Empire et dans La Valse de l'adieu (1928), Chopin se souvient de sa jeunesse en Pologne. (Il faut d'ailleurs préciser que Violettes Impériales est bel et bien un scénario original de Roussell qui ne sera transformé en opérette qu'en 1948 par Vincent Scotto.) La variété des sujets abordés tranche avec les mélos mondains qui abondent dans le cinéma français des années 20. Avec cette Terre Promise, il nous fait revivre les ghettos juifs d'Europe de l'est, en Bessarabie (qui est maintenant la Moldavie). Avec un talent remarquable, il nous dresse le portrait de cette communauté qui vit dans le dénuement. Bien loin de recréer les stéréotypes juifs, les personnages sont complexes. D'un côté le rabbin Samuel vit au milieu de son peuple dans le dénuement, dans le plus grand respect des traditions, et de l'autre Moïse qui trouve que ces traditions sont surrannées et veut faire fortune coute que coute. Les deux filles du rabbin, l'aînée Esther et la cadette Lia sont également partagées dans leur acceptation des traditions. Esther aime la belle vie qu'elle découvre à Londres et se détourne du passé, alors que la plus jeune elle reste fidèle aux principes de justice de son père. Mais, Lia est amoureuse d'un 'gentil', André (A. Roanne), un fils d'aristocrate, qui n'appartient pas à la communauté. Elle devra faire un choix cornélien entre rester fidèle à sa famille ou partir pour toujours pour suivre l'homme qu'elle aime.
Les deux soeurs sont jouées par Raquel Meller et sa soeur Tina (créditée sous le nom de Tina de Izarduy) ce qui renforce la crédibilité de leur affrontement. En effet, elles sont toutes deux amoureuses du même homme, et Esther ne reculera devant rien pour se venger de sa soeur et de sa communauté. Le film culmine alors que les travailleurs des champs pétrolifères décident de mettre le feu aux puits. Esther les incite à la violence raciale en attisant les rancoeurs entre juif et non-juif. Henry Roussel montre une grande habilité à la construction de son récit entre rivalité amoureuse et histoire sociale. Il est aussi un metteur en scène habile qui sait créer une atmosphère aussi bien pour une scène intime que pour une émeute. Il y a une superbe séquence sous une pluie battante où André va partir, désespéré d'être abandonné par celle qu'il aime. Il est rejoint par Esther qui se jette à son cou, lui avouant ses sentiments longtemps refoulés. Esther dégage exactement la sensualité rebelle de son personnage, accentuée par l'averse. Le début du film nous montre la cérémonie de la Pâques juive où un verre de vin est servi pour le Prophète Elie. Puis, on ouvre symboliquement la porte pour le laisser entrer. La petite Lia, qui va ouvrir cette porte au début, se méprend en voyant un petit garçon tout de blanc vêtu dans la rue et le prend pour le prophète. La cérémonie se répète 13 ans plus tard, Lia ouvre la porte, le petit garçon est maintenant André, son amoureux qui l'attend dehors. Elle va lui rendre sa bague, lui signifiant qu'elle ne peut quitter le giron familial. On ne peut que louer les interprètes du film, des soeurs Meller, à leur meilleur, à un jeune Pierre Blanchar qui joue un rôle secondaire en jeune frère destiné au rabbinat. L'opérateur Jules Kruger fait merveille avec de superbes intérieurs contrastés. La copie restaurée en 1987 semble malheureusement incomplète. Il semble que le prologue était nettement plus long que ce qu'il en reste, si on en croit les synopsis d'époque. Néanmoins, cette Terre Promise reste un film passionnant.