dimanche 15 juillet 2012

Jeanne Doré 1915

Un film de Louis Mercanton et René Hervil avec Sarah Bernhardt, Raymond Bernard et Jeanne Costa

Jeanne Doré (S. Bernhardt), veuve et ruinée suite au suicide de son mari un joueur invétéré, tient une petite papeterie avec son fils Jacques (R. Bernard). Celui-ci tombe follement amoureux de Fanny (J. Costa), une femme mariée coquette et dépensière...

En 1913, Tristan Bernard décide d'écrire une pièce pour Sarah Bernhardt qui permettra également à son jeune fils Raymond de faire ses débuts sur les planches. Contrairement à ses savoureuses comédies dont il a le secret, il écrit un mélodrame larmoyant qui ne recule devant aucun des poncifs du genre. Le jeune Raymond raconte comment il dut aller lire la pièce à la grande Sarah dans sa maison de Belle-Isle-en-Mer. Son récit est pimenté d'anecdotes savoureuses sur la création de la pièce. Je vous conseille d'aller écouter le récit de Raymond Bernard sur le site de l'Ina pour l'entendre raconter comment il reçut un shampoing de larmes de la part de Sarah. En 1915, la société Eclipse décide de faire un film de ce succès théâtral. Le résultat est purement catastrophique. Sarah ne peut pratiquement plus marcher suite à son amputation. Elle reste donc assise ou appuyée contre un mur durant tout le film. Il en résulte un film effroyablement statique qui semble dater d'avant 1910. Mais, le but ultime du réalisateur semble d'enregistrer pour la postérité la grande Bernhardt dans un de ses succès à la scène. Elle trône donc au centre de la scène avec une petite sonnette sur une table pour appeler un domestique. Si elle est censée entrer par la gauche, on se contente de déplacer un tout petit peu la caméra sur la gauche pour nous dévoiler la dame debout derrière un comptoir. Tout cela pourrait être intéressant si l'intrigue n'était pas aussi éculée. On conjugue les pires clichés du mélo. Jeanne Doré est victime de son mari qui dilapide tout son argent sur le tapis vert. Elle est ensuite la mère courage qui élève seule son fils qui va devenir un criminel suite à sa passion pour une femme mariée. Il n'y a pas trace de grammaire filmique dans ce film qui est une succession de scènes statiques reliées par de longs intertitres verbeux qui annoncent l'action de manière redondante. Le jeu des acteurs est antédiluvien. Sarah, immobilisée, se contente de lever les bras et les yeux au ciel. Le jeune et mince Raymond Bernard n'est pas meilleur en mauvais fils. Il y a même des moments de franche hilarité lorsqu'on le voit poursuivi par deux policiers. Alors qu'il s'enfuit à pied à travers les buissons, les deux flics montent à vélo au lieu de le suivre... L'éclairage des scènes d'intérieur est franchement mauvais (totalement uniforme et sans profondeur) et les quelques extérieurs exploitent mal la lumière du soleil. Pourtant en 1915, le cinéma offrait déjà des effets lumineux autrement plus intéressants et sophistiqués. Il suffit de regarder L'Enfant de Paris (1913, L. Perret) ou The Cheat (1915, C.B. DeMille). En voyant cette bande poussiéreuse, on se demande pourquoi Sarah Bernhardt était une telle icone de la scène. La seule hypothèse que l'on peut formuler c'est que sa voix et sa déclamation toute particulière devaient charmer les foules. Mais, ce film qui nous montre une actrice fatiguée et immobile ne peut que détruire sa légende. Ce ratage m'a rappeler l'épouvantable Das Mirakel (1912) qui faisait également bien peu pour la légende du grand Max Reinhardt.

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