dimanche 11 novembre 2007

Ann Harding (1902-1981)

Cette belle actrice blonde qui a fait rêver tant de cinéphiles français dans Peter Ibbetson (1935, H. Hathaway) est une des grandes oubliées du cinéma américain des années 30. Il faut dire que sa carrière fut courte au cinéma qu'elle préféra quitter très tôt pour le théâtre.

Née Dorothy Walton Gatley le 7 août 1902 à Fort Sam Huston au Texas, elle reçoit une bonne éducation au prestigieux college Bryn Mawr (comme Katharine Hepburn quelques années plus tard). Elle est très tôt tentée par le théâtre et dès 1921, elle apparaît à Broadway. Some premier grand succès lui vient dans Tarnish en 1923. Puis, elle est de nouveau sous les feux de la rampes avec The Trial of Mary Dugan qui lui offre un autre triomphe. Eugene O'Neil voulait lui offrir le rôle principal de Strange Interlude, mais, elle dut y renoncer car son producteur refusa de la délivrer de son contrat. Une première mauvaise expérience avec un producteur et qui ne sera pas la dernière!

A l'arrivée du parlant en 1929, le studio Pathé à new York s'attache ses services pour une adaptation d'une pièce de Philip Barry: Paris Bound (E.H. Griffith) avec le jeune Fredric March qui lui aussi débute au cinéma. Pathé va par la suite fusionner avec Radio Pictures pour former la RKO. Ann Harding sera l'une de leur star principale avec un salaire de 6000 dollars par semaine en 1931 (la 6ème actrice la mieux payée à Hollywood). Pour son second film, Pathé la prête à Samuel Goldwyn pour Condemned (1929, W. Ruggles). Ce film se révèle l'un de ses meilleurs sous la direction avisée de Wesley Ruggles avec pour partenaire Ronald Colman et Louis Wolheim. Ravie de ses succès, Pathé lui fait tourner à nouveau sous la direction de Edward H. Griffith (qui n'a rien à voir avec David Wark!) une autre adaptation de Philip Barry: Holiday (1930). La réalisation est plutôt statique, mais, Ann donne au personnage de Linda Seaton une épaisseur dramatique superbe. Philip Barry était lui-même issu d'un milieu privilégié qu'il pouvait décrire comme aucun autre. La famille de parvenus de Linda Seaton lui pèse comme un boulet. Elle rêve de s'échapper de ce milieu obnubilé par le paraître et la richesse. L'arrivée du fiancé de sa soeur (excellemment interprétée par Mary Astor) va modifier sa vie. Réalisant rapidement que le jeune homme est son 'jumeau' -il rêve de vacances perpétuelles-, elle ose enfin échapper au carcan familial. le film a été éclipsé par le remake réalisé par George Cukor en 1938 avec Katharine Hepburn et Cary Grant. C'est bien dommage...

Ann Harding tourne beaucoup de mélodrames ce qui va tuer sa carrière à long terme. En 1931, elle tourne East Lynne sous la direction de Frank Lloyd. Ce film n'existe plus qu'à l'état de fragment, la dernière bobine a disparu. Ayant pour partenaires, le très ennuyeux Clive Brook et le non moins figé Conrad Nagel, en Lady Isabella, elle se bat vaillament contre la médisance qui fait d'elle une femme adultère. Ce film est suivi de Devotion sous la direction très plate de George Milton. Mais, au moins, le film lui offre un aspect de comedie qui est le bienvenu et des partenaires à la hauteur comme Leslie Howard et l'excellent Robert Williams (qui décéda trop tôt après son interprétation étincellante dans Platinum Blonde de Capra en 1932). Harding y dissimule sa jeunesse et son identité sous une perruque de vieille fille pour s'introduire dans la maisonnée de Leslie Howard et le conquérir. Malgré un scénario abracadabrantesque, le film se laisse voir sans déplaisir.

Elle tourne sa troisième adaptation de Philip Barry en 1932: The Animal Kingdom dont le producteur n'est autre que le jeune David O. Selznick. Elle retrouve Leslie Howard et Myrna Loy pour cette comédie sophistiquée où elle arrive à reconquérir Howard face à une Loy très calculatrice. Dans Double Harness (1933), elle partage la vedette avec William Powell. Le film est une comédie sophistiquée avec un aspect 'risqué' typique des films Pre-Code. Ann s'arrange pour être découverte dans une situation compromettante par son père pour forcer William Powell à l'épouser. L'alchimie des deux interprètes fait beaucoup dans l'attrait de ce charmant petit film dirigé par John Cromwell.

Dans The Right to Romance, Ann est une chirurgienne esthétique et son coeur balance entre le playboy joué par Robert Young (bien palôt) et son collègue, le charismatique Nils Asther. C'est le début, pour elle, d'une série de rôles où elle est une femme active en charge de son destin. Hélas, l'arrivée du Production Code va mettre une sérieuse dose de sucre dans tous ses mélodrames...

Un des exemples les plus frappants est certainement Biography of a Bachelor Girl (1935) avec Robert Montgomery, Edward Everett Horton et Una Merkel. Cette production MGM est plombée par un scénario ridicule qui tente maladroitement de faire de la femme célibataire du titre, une femme rangée après de nombreuses aventures sentimentales. Le scénario hésite à faire de Ann une vraie aventurière ou une artiste incomprise. On y sent les terribles méfaits de l'auto-censure... Ses affaires ne s'arrange pas avec le parfaitement plat et ennuyeux Enchanted April (1935) qui distille un ennui mortel. Heureusement, elle peut enfin tourner un très bon film à la Paramount, si cher au coeur des cinéphiles français: Peter Ibbetson (1935). Cette très belle adaptation du roman de George Du Maurier n'est pas malheureusement aussi connu dans les pays Anglo-Saxons.

Son étoile chute dangereusement au Box Office. Elle décide de quitter l'Amérique à cette époque pour suivre son second mari, le chef d'orchestre Werner Janssen. Elle retourne au théâtre. La RKO n'a pas réussi à lui faire prendre le bon tournant à l'arrivée du code de censure. Les autres reines du mélodrame telles que Claudette Colbert et Irene Dunne s'en sortiront mieux en se tournant vers la screwball comedy naissante. Elle a souffert également de n'avoir que rarement pu être dirigée par de grands metteurs en scènes. La RKO lui a fait tourner une quantité incroyable de films avec quelques tâcherons maison comme Edward H. Griffith et Harry Beaumont.

Elle ne reviendra au cinéma que plus tard dans les années 40 où elle devient une supporting actress. Par exemple dans Eyes of the Night (1942, F. Zinnemann), un petit thriller de série B où elle partage la vedette avec Edward Arnold. Toujours belle et distinguée, elle n'a guère de possibilité de montrer son talent dans ce film réalisé avec un petit budget. Elle continue à travailler au théâtre activement. Betsy Blair (la première épouse de Gene Kelly) se souvient dans ses mémoires d'avoir joué avec elle une pièce d'Eugene O'Neil dans les années 40.


Ann Harding est une figure à part dans le Hollywood du début des années 30. Une sorte d'anti-star qui fuit les projecteurs et le publicité. Sur un plateau, elle ne se prend jamais pour 'une star' et aide ses jeunes collègues inexpériementés (comme Laurence Olivier en 1932 dans Westward Passage). Que ce soit Myrna Loy ou Mary Astor, elles parlent toutes deux de la bonté et la gentilesse d'Ann. Voilà qui n'est pas aussi fréquent dans le monde du cinéma.


On peut espérer qu'un jour ses meilleurs films seront disponibles en DVD. En particulier: Condemned (1929), Holiday (1930), Double Harness (1933) et Prestige (1932).

dimanche 8 avril 2007

Ronald Colman, Un Anglais à Hollywood (X)


En ce début d'année 1936, Ronald Colman est toujours sous contrat avec la nouvelle société Twentieth Century Fox. La première production à laquelle il participe sous leurs couleurs est The Man who Broke the Bank at Monte Carlo (L'homme qui a fait sauter la banque) une petite comédie dirigée par Stephen Roberts (le metteur en scène du sulfureux The Story of Temple Drake). Le film bénéficie des dialogues de Nunnally Johnson, mais, reste une oeuvrette très mineure dans la filmographie de Colman. Il y retrouve Joan Bennett, sa partenaire de Bulldog Drummond ainsi que Colin Clive (alias Dr Frankenstein) en méchant de service. Le film a pourtant les ingrédients qui pourraient en faire une comédie de bonne facture: Colman est un aristocrate russe déclassé, en exil à Paris, qui gagne sa vie en tant que chauffeur de taxi, jusqu'au jour où il gagne une fortune dans un casino de Monte Carlo. Joan Bennett est une intrigante payée par le patron du casino pour le ramener vers le tapis vert. Il reperdra tout son gain et redeviendra simple chauffeur de taxi, non sans avoir conquis le coeur de la belle intrigante!

La seconde production a laquelle il participe est d'une toute autre envergure: Under Two Flags (Sous deux drapeaux) de Frank Lloyd est une grosse production qui rassemble outre Colman, Rosalind Russell, Claudette Colbert et Victor McLaglen. Une partie du film est tournée dans le désert de l'Arizona comme l'avait été Beau Geste 10 ans auparavant. Le scénario est centré sur le sergent Victor (Ronald Colman) de la Légion Etrangère. Son passé est un mystère qui semble fortement exciter la curiosité de la belle et rebelle Cigarette (Claudette Colbert) et de la très aristocratique Lady Venetia (Rosalind Russell). Le film est plus un drame romantique qu'un film d'action. Cigarette et Lady Venetia se disputent les faveurs du beau sergent Victor excitant la jalousie du Commandant Doyle (Victor McLaglen) qui a jeté son dévolu sur Cigarette. Il y a une excellente alchimie entre Claudette Colbert et Colman et on peut regretter qu'ils n'aient jamais eu l'occasion de retravailler ensemble. Rosalind Russell, a l'orée de sa carrière de comédienne, est une aristocrate anglaise plus vraie que nature et fort éloignée de ses rôles les plus célèbres comme dans His Girl Friday. Il est difficile d'avoir un jugement impartial envers ce film car toutes les copies disponibles sont amputées de 14 minutes. Mais, on doit reconnaître qu'il ne s'agit en aucun cas d'un chef-d'oeuvre, mais plutôt d'un star vehicle bien agencé qui se laisse regarder sans déplaisir. Le film a fait l'objet récemment d'une restauration (par le UCLA Film and TV archive). Espèrons qu'il soit un jour édité en DVD!

Après ses deux films, son contrat étant arrivé à son terme, Ronald Colman quitte la XXthCentury Fox et décide dorénavant de travailler en free lance. Il n'aura plus de compte à rendre à un producteur et il pourra tourner les films qui lui plaisent à son rythme. Dès la fin du tournage de Under Two Flags, il part immédiatement à la Columbia où Frank Capra l'attend pour commencer le tournage d'un de ses films les plus importants, Lost Horizon (Horizons perdus). Dès le début de l'écriture du scénario, Capra avait décidé que Robert Conway ne pouvait être interprété que par Colman. Il reporta le tournage de plusieurs mois en attendant qu'il soit disponible. Le roman éponyme de l'anglais James Hilton est un énorme succès en librairie et Capra est immédiatement attiré par le sujet. La Columbia, dirigée par l'irascible Harry Cohn, est un studio aux moyens limités par rapport aux grands studio comme la MGM ou la Warner. Cependant, des sommes énormes vont être misées sur ce seul film qui restera en production de mars à juillet 1936, sans compter des retakes en décembre. Ronald Colman s'investit comme jamais dans son personnage. Il suggère même certaines idées à Capra, telles que celle des petites flutes à la queue des tourterelles de Sondra (Jane Wyatt): il avait découvert cette pratique à Bali. En cette année 1936 où les rumeurs de guerre se font plus menacantes, le pacifisme du film trouve une résonnance particulière chez Colman. Le film sort en mars 1937. C'est un énorme succès. malgré son statut de classique, le film n'a pas été préservé correctement par la Columbia. Outre la disparition d'une partie de ses bobines, le négatif a été détruit. Heureusement que le travail au long cours de plusieurs restaurateurs a permis de retrouver le film dans sa longueur initiale!
Alors que Lost Horizon triomphe en salles, Ronald Colman est déjà au travail aux nouveaux studios de David O. Selznick pour son second film de 1937: The Prisoner of Zenda (Le prisonnier de Zenda) sous la direction de John Cromwell.
A suivre

vendredi 2 mars 2007

Lost Horizon 1937

( Horizons perdus)
Un Film de Frank Capra

Lost Horizon est le film le plus célèbre de Ronald Colman. Le personnage de Robert Conway est aussi certainement celui qui lui ressemble le plus. Il se reconnaissait pleinement dans le diplomate anglais humaniste au discours pacificiste. Le film a subi les outrages du temps car la Columbia n'a même pas préservé le négatif original et l'a ressorti en 1942 amputé de plus de 40 min! Grâce au travail des restaurateurs, on peut maintenant voir le film complet. Voici une scène qui fut coupée en 1942, on en comprend aisément la raison: l'Amérique est en guerre et ne peut laisser s'exprimer le pacifisme du scénario de Robert Riskin.
Robert Conway (Ronald Colman), diplomate en poste en Chine ravagée par la guerre, doit évacuer de Baskul les ressortissants britanniques et américains. Une fois dans l'avion qui les emmènent vers Shangaï, il se repose et converse avec son frère cadet George (John Howard). A leur insu, un mystérieux pilote a pris les commandes de l'appareil.











Conway: Hello, Freshie. Did you make that report out yet?



George: Yes, Bob.



Conway: Did you say that we saved 90 white people?
George: Yes.






Conway: Good. Hooray for us. Did you say that we left 10 000 natives down there to be annihilated? No, you wouldn't say that. They don't count.



George: You'd better try to get some sleep.












Conway: Just you wait until I'm Foreign Secretary.






Can't you just see me with all those other shrewd little Foreign Secretaries?






The trick is to see who can outtalk the other.






Everybody wants something for nothing.






If you can't get it with smooth talk, you send your army in.






I'm going to fool them.






I'm not going to have an army.






I am going to disband mine.






I'm going to sink my battleships. I'm going to destroy every piece of warcraft.






When the enemy approaches, we'll say: "Coming in, gentlemen. What can we do for you?"






So then the poor enemy soldiers will stop and think.






And what will they think, Freshie? They'll say, "Something's wrong here, we've been duped! This is not according to form. These people seem quite friendly. Why should we shoot them?"



Then they'll lay down their arms. You see how simple the whole thing is?






Centuries of tradition kicked right in the pants.






And I'll be slapped straight into the nearest insane asylum.






George: You'd better not drink anymore. You're not talking sense.






Conway: Don't worry, George, nothing's going to happen.






I'll fall right into line.





I'll be the good little boy that everybody wants me to be.






I'll be the best little Foreign Secretary we've ever had. Just because I haven't the nerve to be anything else.






George: Do try to sleep, Bob.












Conway: Yes, good thing, sleep.






Ever notice the sunrise in China, George? You should. It's beautiful.








































































Horizons Perdus est aisément disponible en DVD en France.