mardi 21 août 2012

The First Born 1928

Un film de Miles Mander avec Miles Mander, Madeleine Carroll et John Loder

Madeleine (M. Carroll) est l'épouse de Sir Hugo Boycott (M. Mander). Son époux la traite avec mépris car elle ne lui a pas donné d'enfant. Durant une de ses longues absences, elle décide d'adopter secrètement l'enfant d'une jeune manucure et de faire croire à son époux qu'elle en est la mère...


Ce film de la firme Gainsborough est une petite perle du cinéma muet britannique. Le scénario a été écrit par le réalisateur-acteur Miles Mander avec Alma Reville qui était Mrs Hitchcock à la ville. Et le résultat rappelle par moment les films de son époux. On peut donc avancer sans se tromper qu'Alma a certainement eu une influence sur l'oeuvre d'Alfred. Miles Mander réalise là une étude de moeurs bien vue de la haute société britannique de l'époque. Madeleine Carroll, qui était encore brune à cette époque-là, est l'épouse délaissée d'un politicien qui la maltraite. Elle doit subir constamment les reproches de son époux: ils n'ont pas d'enfants. C'est tout à fait symptomatique de la société rigide de l'époque de voir que c'est l'épouse qui est immédiatement suspectée d'être stérile. De même son mari peut avoir des aventures à répétition, mais il n'est pas question pour elle de flirter même innocemment avec un homme. Madeleine est tellement désespérée à l'idée de perdre son époux qu'elle va utiliser un stratagème pour le faire revenir. Elle adopte l'enfant d'une jeune manucure qui est enceinte d'un homme qui l'a quittée. Ce 'premier né' du titre est d'autant plus important pour l'aristocratie britannique que c'est lui qui hérite du titre et de la fortune de son père. Le deuxième enfant est lui dépossédé de toute succession. Madeleine pense avoir réussi à le reconquérir avec cet enfant qu'il désirait tant. Mais, il reprend rapidement le chemin de la maison de sa maîtresse. Et cette dernière lui suggère qu'il n'est peut-être pas le père de l'enfant. Le venin du doute et de la jalousie le rend fou. Madeleine refuse d'avouer, mais finalement sous la contrainte lui dit que l'enfant est adopté. Cette révélation va précipiter le drame. Boycott tombe dans une cage d'ascenseur et Madeleine reste veuve. Mais, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Le film offre un rebondissement final tout à fait étonnant. Miles Mander réalise son film avec une caméra mobile et fluide typique de ces années de la fin du muet. Lorsqu'il rentre chez lui sans se faire annoncer pour surprendre sa femme dans son bain, la caméra se fait subjective et suit son regard vers le lit défait, la coiffeuse et finalement la baignoire où se prélasse sa femme. Une autre scène est purement Hitchcockienne (sans qu'Alfred y soit pour quelque chose). La mort d'Hugo Boycott est superbement amenée. Il se dispute avec sa maîtresse sur le palier de son appartement. Il appelle l'ascenseur et se retourne pour lui parler. L'ascenseur est monté, laissant la cage vide. Il tombe et un petit nuage de poussière apparaît devant un liftier étonné. La chute est accompagnée par une série d'images en surimpression. Le tout est parfaitement rythmé. Madeleine Carroll donne une interprétation sensible et sensuelle de Madeleine tel un animal pris dans une cage. L'observation de la vie sexuelle de la haute société est féroce et sans concession. Miles Mander ne cherche pas à se donner le beau rôle. Il est un salaud parfait. Le film a été restauré récemment par le BFI et on peut en voir un extrait ici. De plus, une nouvelle partition musicale de Stephen Horne a été composée pour l'occasion. Malheureusement, j'ai dû regarder ce film en silence à la Médiathèque du BFI où ce film est disponible en version numérisée. A quand une première en France de ce beau film avec la musique de Stephen Horne? Bientôt, j'espère.

dimanche 5 août 2012

Night World 1932

Un film d'Hobart Henley avec Boris Karloff, Lew Ayres, Mae Clarke, Hedda Hopper et Bert Roach

'Happy' MacDonald (B. Karloff) dirige un night-club où se retrouvent les riches new-yorkais qui viennent boire et s'encanailler. Ruth Taylor (M. Clarke), une simple chorus girl va y rencontrer Michael Rand (L. Ayres) qui vient se saouler tous les soirs pour oublier le meurtre de son père...

Cette petite production Universal est un petit bijou de moins de 60 min qui réussit à combiner la comédie musicale, le film noir et le mélodrame. C'est un film choral qui rappelle sur un mode parodique et nettement plus noir, Grand Hotel (1932, E. Goulding) qui fut un des gros succès MGM cette même année. Mais, l'atmosphère est nettement moins glamour que dans le film MGM. Le night-club de Happy est un lieu où les vieux messieurs sortent avec des filles très jeunes, d'autres ne viennent là que pour se saouler. Prohibition oblige, les alcools forts sont dissimulés sous la table pendant que trônent les bouteilles de 'root beer'. Dans ce petit monde interlope, on croise des gangsters (un jeune George Raft) ou des fils à papa (L. Ayres). Au milieu, il y a la figure lumineuse de Mae Clarke, héroïne du fameux Waterloo Bridge (1931) de James Whale. Le ton du film oscille entre la comédie et le drame avec bonheur. Il est évident que personne ne se prend totalement au sérieux. Karloff joue le gangster patron de night-club avec brio. Hedda Hopper fait une apparition en mère meurtrière et cupide. Et tous les seconds rôles sont formidablement tenus par des 'character actors' de grand talent tel Bert Roach en provincial de Schenectady, en gogette, complètement éméché. Tous les petits rôles sont délicieusement dessinés, avec au premier rang Clarence Muse en portier qui attend avec impatience des nouvelles de sa femme qui est à l'hôpital. Il faut aussi mentionner que Busby Berkeley a chorégraphié les quelques numéros musicaux qui parsèment le film avec ses figures kaléidoscopiques. Le fil s'ouvre sur un montage virvoltant qui suggère la vie nocturne new-yorkaise la plus débridée et qui rappelle l'ouverture de So This is Paris (1926, E. Lubitsch). Le final lui se rapproche du film de gangster qui en train d'éclore à l'époque. Un délicieux Pre-Code plein de sous-entendus. Un grand merci à Phoebe pour cette découverte.

Our Betters 1933

Haute société
Un film de George Cukor avec Constance Bennett, Anita Louise, Gilbert Roland at Violet Kemble-Cooper

Lady Pearl (C. Bennett) est l'une des étoiles de la haute société londonienne. Riche héritière américaine mariée à un Lord, elle compense un mariage sans amour par une vie mondaine sans répit. La Duchesse Minnie (V. Kemble-Cooper) est elle aussi une riche héritière titrée par son mariage qui se console avec un gigolo (G. Roland). Lors d'un week-end à la campagne, elles s'affrontent...

Ce film RKO produit par David O. Selznick est une adaptation d'une pièce de William Somerset Maughan. Si le film ressemble à du théâtre filmé, il est cependant de grande classe. Maughan attaque au vitriol une certaine haute société britannique qui n'ayant plus un sou, se tourne vers des héritières américaines roturières, mais très riches. C'est une société du faux-semblant et de l'hypocrisie. En surface, Lady Pearl est un personnage très important du circuit mondain, mais elle sait très bien que si ses soirées sont prisées, c'est à cause de sa fortune. Tout le monde vit dans le mensonge plus ou moins bien assumé. L'époux de Lady Pearl a une maîtresse et elle se console avec un riche américain qui lui fournit l'argent nécessaire à sa vie dispendieuse. Il y aussi l'improbable duchesse Minnie qui après son divorce vit ouvertement avec un gigolo sud-américain qu'elle trimbale comme un toutou. La jeune soeur de Lady Pearl (A. Louise) qui admirait son aînée et sa vie sompteuse va se rendre compte à temps de sa méprise. Cette vie de luxe a un revers peu appétissant. Cukor dirige avec énormément de talent une excellente distribution avec en tête Constance Bennett en femme de tête endurcie. Si le film ne fait partie des oeuvres les plus connues de Cukor, il annonce par bien des points le futur The Women (1939), plus glamour, mais moins féroce sur bien des points. La période Pre-Code recèle décidément des trésors.