mercredi 18 décembre 2013

If I Were Free 1933

Un film d'Elliott Nugent avec Irene Dunne, Clive Brook, Nils Asther, Henry Stephenson et Vivian Tobin

A Paris, Sarah Cazenove (I. Dunne) est victime d'un époux manipulateur et violent (Nils Asther). Elle décide de le quitter et de divorcer après avoir rencontré un avocat, lui aussi, à la dérive, Gordon Evers (C. Brook)... 

Cette petite production RKO est typique des mélodrames que tournaient les deux actrices, Irene Dunne et Ann Harding, sous contrat avec cette société à l'époque. If I Were Free ne fait partie des mélos prestigieux avec sa durée de 66 minutes et son intrigue minimaliste. Tiré d'une pièce de théâtre de John Van Druten, le film n'offre pas de réelles surprises. Elliott Nugent n'est pas un grand réalisateur, même si il a produit quelques films intéressants comme Life Begins (1932) avec Loretta Young et Three Cornered Moon (1933) avec Claudette Colbert qui restent en mémoire à cause de la qualité de leurs scénarii. On ressent néanmoins un réel plaisir à la vision de ce film grâce aux deux acteurs principaux, Irene Dunne, toujours juste et émouvante et Clive Brook, qui sort de son impassibilité habituelle. Les thèmes abordés sont les mêmes que l'on rencontre dans des dizaines de mélos de l'époque: l'homme mal marié, la maîtresse que l'on cache et qui se sacrifie et la femme cupide qui refuse le divorce. Irene Dunne souffre noblement pendant que Clive Brook est menacé de mort par une blessure de guerre. Tout cela étiré sur une plus longue durée serait parfaitement insupportable. Mais, en 66 min, l'histoire d'amour de ces deux êtres maltraités par la vie est plausible. Clive Brook réussit même à être émouvant en alcoolique sarcastique. Les seconds rôles sont tenus par la crème des acteurs britanniques comme Henry Stephenson et Halliwell Hobbes. Nils Asther est un méchant dans la lignée de son rôle dans Letty Lynton (1932) de Clarence Brown. Ce n'est certainement pas un grand film, mais une petite production sympathique.

dimanche 15 décembre 2013

The 1913 Show au BFI le 2 décembre 2013

Suspense (1913, Lois Weber)
Chaque année, la conservatrice du cinéma muet au BFI, Bryony Dixon, organise une séance composée de films réalisés il y a 100 ans. On peut y voir une sélection de bandes d'actualités, de court-métrages comiques et des longs métrages. C'est l'occasion de découvrir ou de redécouvrir des petits bijoux d'il y a 100 ans.
Parmi les bandes d'actualité, il y avait une procession funéraire en l'honneur d'une suffragette, Emily Davidson, qui s'était jetée sous un cheval lors de la prestigieuse course du Derby. Une longue procession a traversé les rues de Londres avec une pompe que l'on aurait pu croire réservée aux membres de la famille royale. Une foule impressionnante était amassée sur les trottoirs et de nombreux hommes retiraient leur chapeau pour saluer le geste de la militante.
Une comédie britannique, Nobby The New Waiter, avec le comique Sam T. Poluski nous montre un serveur particulièrement maladroit qui chausse des patins à roulettes dans un restaurant. on pense immédiatement à Chaplin; mais il faut le reconnaitre, les acrobaties de Poluski ne sont pas au niveau du génial Charlie.
Puis, nous eûmes un fragment d'un grande production britannique intitulée The Battle of Waterloo avec l'Empereur qui restait calme face aux explosions et aux soldats qui chargeaient à dos de cheval. Il est difficile de se faire une opinion avec ce petit fragment de 5 min, le reste du film étant perdu. En tout cas, il offrait un contraste parfait avec la comédie suivante Pimple's Battle of Waterloo de et avec Fred et Joe Evans. Cette parodie annonçait déjà le comique farfelu et décalé des Monty Python. Napoleon est attaqué par une suffragette qui assomme tout le monde avec son panneau "Vote for Women"! Les chevaux étaient interprétés par des acteurs en costume de cheval et Napoléon prenait le train pour la France à Waterloo Station. Malgré un manque évident de moyens, avec des décors en carton pâte branlants, la parodie a conservée son pouvoir comique et on ne peut que sourire en voyant Napoléon tirer à pile ou face avec Wellington pour savoir lequel tirera le premier.
Parmi les pièces de resistance lors de cette présentation, il y avait un excellent film italien intitulé Tigris. Ce suspense criminel réalisé par un Vincenzo Denizot (qui fut un employé chez Gaumont) ressemble énormément aux sérials de Louis Feuillade par son scénario aux multiples rebondissements, la présence d'un maître du crime, son utilisation des extérieurs et des cascades sensationnelles. On y voit une voiture à cheval arriver directement sur la devanture d'un restaurant en en fracasser la vitre. Encore plus étonnante est cette cascade réalisée par un cascadeur particulièrement doué. Un homme gît ligoté sur une voie ferrée. Un train approche et va l'écraser. Dans un dernier sursaut, l'homme réussit à détacher ses mains et attrape les tampons du train qui arrive et se hisse à bord. Le résultat est bluffant.
La séance se clôturait par un des plus beaux courts-métrages de 1913 réalisée par Lois Weber aux Etats-Unis: Suspense. Ce film particulièrement bien vieilli grâce un montage et des angles de prise de vues incroyablement efficaces. Alfred Hitchcock n'a pas fait mieux par la suite. Sur un scénario très simple - une femme seule avec son enfant dans une maison isolée est attaquée par un rôdeur - Weber organise une série d'images composées avec un soin extrême, en particulier des contre-plongées très efficaces du visage de l'homme qui monte les marches et s'introduit dans la maison. En 10 min, on suit avec passion les démêlées de la femme avec son agresseur et en montage parallèle la course poursuite de son mari en voiture, parti pour la sauver. Une excellente soirée.

mardi 10 décembre 2013

The Half-Breed 1916

Lo Dorman (Douglas Fairbanks) et Teresa (Alma Rubens)
Le Métis
Un film d'Allan Dwan avec Douglas Fairbanks, Alma Rubens, Jewel Carmen, Sam de Grasse et George Beranger

Le métis "Lo Dorman" (D. Fairbanks) est courtisé par Nellie (J. Carmen) la fille du pasteur, à la grande fureur du Shériff Dunn (S. de Grasse) qui ignore qu'il est son propre fils...

A ses débuts, Douglas Fairbanks travaille au sein de la société Triangle qui produit également les films de T.H. Ince avec William S. Hart. On retrouve donc dans leurs films certaines actrices comme Alma Rubens et Winifred Westover (qui devint brièvement Mrs Hart). Cet excellent film d'Allan Dwan avait bien besoin d'une restauration. J'avais vu la copie incomplète de la Cinémathèque française il y a quelques années et j'étais restée sur ma faim. La fin du film était incomplète, le montage laissait à désirer avec des scènes qui réapparaissait deux fois de suite et il y avait des intertitres en français mal placés. Dans cette nouvelle réstauration réalisée par le San Francisco Silent Film Festival, le film retrouve une chronologie logique et ses intertitres en langue originale. 
Cette fable panthéiste se veut une célébration de l'homme des bois face à la corruption de la civilisation. Plus encore, c'est le métis, fils d'une squaw, qui est le héros du film face aux Blancs malfaisants. Dans les années 10, les Indiens sont très souvent bien représentés au cinéma contrairement à ce qui se passera plus tard dans les années 30 où les Indiens ne seront plus que des sauvages hurlants. Le film commence par un strip-tease de Fairbanks qui nous permet d'admirer sa plastique irréprochable. En fait, cette séquence dut être ajoutée par Allan Dwan pour contenter Mrs Fairbanks (Beth Sully) qui ne supportait pas l'idée de voir son époux jouer un "sale indien". On le montre donc plongeant dans la rivière pour se laver. 
Bien qu'il soit un métis, il attire l'attention de la très séduisante Nellie (Jewel Carmen) qui est la fille du pasteur au grand dam de ses soupirants. Elevé par un botaniste, Lo Dorman (contraction de "L'eau dormante" - Sleeping water) est un homme simple et droit face à la mesquinerie et la violence des Blancs. Le film exploite au mieux les magnifiques décors naturels de la Californie avec ses gigantesques séquoias et ses vallées profondes où coulent les rivières. 
Il faut mentionner Alma Rubens qui joue la douce Teresa victime de son protecteur qui l'exploite avec son "medicine show" pour attraper les gogos. Elle trouve enfin avec Lo Dorman, un homme qui lui apporte protection et respect. Cette jeune actrice sera victime plus tard d'un de ces docteurs marrons - qui fourmillaient à Hollywood - qui lui donnera une addiction à la morphine. Elle mourra à l'âge de 33 ans sans avoir pu vaincre cette addiction. 
Le film était accompagné lors de la présentation à la Cinémathèque par un clavier électronique et une variété d'instruments à vent (harmonica, clarinette, saxophone). Hélas, les musiciens se sont contentés de ressasser constamment les mêmes thèmes - souvent particulièrement anachroniques pour la période du film (à l'époque de la ruée vers l'or) et ont ignoré les moments les plus comiques. Malgré cet accompagnement peu approprié et particulièrement bruyant, ce fut un plaisir de pouvoir redécouvrir ce film de Fairbanks.

jeudi 5 décembre 2013

Napoléon (1927) d'Abel Gance au Royal Festival Hall le 30 novembre 2013

Napoléon à Londres le 30 novembre 1980
La projection du Napoléon le 30 novembre dernier marque exactement le 33e anniversaire de la première présentation du film restauré par Kevin Brownlow avec la partition de Carl Davis, cette dernière étant un des éléments les plus importants de cette restauration. Depuis cette première projection avec orchestre (antérieure même à la projection new-yorkaise de janvier 1981 avec la partition de Carmine Coppola), le film a pris de l’ampleur. De 4h50, il est passé à 5h31, des erreurs de montage ont été corrigées et la qualité des éléments a été grandement améliorée.
C’est dans des conditions optimales que le public londonien a pu apprécier ce film français monumental avec en prime un des tous meilleurs orchestres de Londres, le Philharmonia Orchestra dirigé par Carl Davis lui-même. La salle archi-pleine a réagi au quart de tour à tous les mots d’auteur et autres clins d’œil dont Gance a parsemé son film. C’était un sérieux contraste par rapport à l’expérience particulièrement pénible que j’avais vécu à la Cité de la Musique en décembre 2009 où avait été présenté une restauration ancienne de Kevin Brownlow (de 1983) avec la partition sinistre de Marius Constant en décalage total avec le film. J’avais fui la salle au premier entracte, profondément déprimée par cette partition lugubre, de voir le public s’ennuyer mollement et d’entendre les ricanement d’autres spectateurs.
Assister à une projection de Napoléon, c’est un marathon. Mais, il n’y a pas de temps morts. Les deux premières heures passent à une rapidité confondante. Gance concentre dans la première partie une quantité d’innovations techniques incroyables : caméra portée, sur une luge, à dos de cheval, suspendue sur un pendule, écran divisé, montage frénétique, grand angle, etc. Cette débauche d’innovations pourrait n’aboutir qu’à une série de séquences pour épater le spectateur. En fait, Gance utilise toujours la technique au service de la narration. Il nous plonge dans l’univers de l’école de Brienne et de la Révolution française avec une acuité visuelle qu’il ne renouvellera jamais par la suite.
Carl Davis part d’un principe qui me semble évident : la primauté doit rester au film lui-même. Il n’est pas question de tirer la couverture à lui en ignorant le rythme, l’émotion et l’ambiance générale du film. Il met donc en lumière les personnages de Gance avec leurs émotions directes : amour, solitude, désespoir, passion. Il ne cherche pas un second degré qui n’existe pas dans le langage visuel de Gance. Il illustre à la perfection les états d’âme du petit Bonaparte victime de ses camarades tout autant que la montée en puissance de la Marseillaise au couvent des Cordeliers. Quand on songe que Carl Davis a composé cette partition en seulement trois mois et à une époque où la composition pour le cinéma muet n’était pas encore revenue à l’ordre du jour, on ne peut que tirer un coup de chapeau à l’auteur. En mêlant les compositeurs de l’époque napoléonienne (Beethoven, Haydn, Mozart, Gossec, Dittersdorff) à ses propres thèmes (en particulier celui de l’aigle), il recrée l’ambiance dans la laquelle vivait tous les personnages à l’écran. Il ne faut pas oublier que la période révolutionnaire le fut aussi au niveau musical. Beethoven révolutionnait la symphonie et secouait la tradition classique pour faire éclore le Romantisme.
Le spectateur français se demande toujours comment réagir face au personnage de Napoléon, les préjugés entrent en scène et empêchent parfois d’apprécier le film de Gance tel qu’il est : un grand livre d’images animées, épique, flamboyant avec l’humour d’un Alexandre Dumas. Le public anglais ne se pose pas ce genre de questions et apprécie tous les aspects humoristiques.
Cette dernière restauration est teintée et virée. Si les teintes ambrées apportent une chaleur bienvenue à de nombreuses scènes comme pour la Marseillaise, par contre le teintage rouge rend parfois certaines scènes difficiles à distinguer. Le meilleur exemple est la bataille de Toulon. Entièrement tournée en studios, Gance réussit le tour de force de suggérer les éléments déchaînés, la pluie battante, la boue et les morts qui s’entassent. Alors que dans la version de 1983 en noir et blanc, cette scène m’avait beaucoup impressionnée par sa construction, j’ai eu ici beaucoup de mal à en suivre le déroulement à cause du manque de contrastes apportés par le rouge et les lumières réverbérées de l’orchestre. Elle en a d’ailleurs dérouté plus d’un. Elle mérite cependant d’être revisitée car c’est une magnifique réussite mêlant chaos et intimité superbement accompagnée par l’Egmont de Beethoven. Cette scène n’était pas à son avantage ce samedi à cause des problèmes précités.
Le triptyque final est un moment inoubliable pour tout spectateur qui a eu la chance de le voir ainsi projeté sur grand écran. Deux rideaux s’écartent et révèlent soudain un écran trois fois plus large sur lequel un immense panorama (une carrière près de La Garde figurant l’entrée en Italie) apparaît. Pour cette séquence magique, Carl Davis a utilisé des variations sur Le Chant du départ de Méhul qui furent composées par Honegger lors de la première du film. Davis réitère les motifs principaux qui sont couronnés par une Marseillaise flamboyante et un drapeau tricolore qui apparaît à l’écran. Cette célébration de la France révolutionnaire – que nous n’oserions peut-être pas réaliser en France - donne à Londres une sorte d’exaltation de 14 juillet festif et joyeux. Napoléon est une expérience totale, visuelle, émotionnelle et musicale dans cette restauration. C’est un moment unique pour tout spectateur qui a eu la chance d’y participer.
Si vous voulez en savoir plus sur le film, vous pouvez lire mes interviews de Kevin Brownlow et de Carl Davis ou lire le livre de Kevin Brownlow sur la restauration du film (dont je suis la traductrice). Vous pouvez aussi jeter un oeil à une scène perdue du film dont j'ai retrouvé et animé des photogrammes.

vendredi 30 août 2013

Albert Capellani - Cinéaste du romanesque VI


Une nouvelle critique de mon livre vient tout juste d'être mise en ligne sur le site 1Kult:
Jusque là, s’informer sur la vie et la carrière d’Albert Capellani était synonyme de frustrations : très peu de textes existant et le plus souvent les informations étaient incomplètes, contradictoires pour ne pas dire tout simplement erronées. Il faut dire que très peu de trace évoquant le cinéaste a réussi à survivre jusqu’à nos jours, à commencer par ses films français qui ne mentionnaient jamais son réalisateur. Rien qu’être sûr de la présence d’Albert Capellani derrière la caméra est un exercice délicat. Par exemple lors de sa rétrospective, la Cinémathèque Française lui a attribué par erreur un Manon Lescaut datant de 1912 (il était d’ailleurs improbable que l’homme qui a dirigé Les Misérables un an avant puisse être responsable d’un mélodrame aussi lamentable et bâclé). Il était donc quasiment impossible de retrouver sa présence dans la presse de l’époque, surtout qu’une confusion existe aussi avec son frère, Paul Capellani, célèbre acteur en son temps. On prêtait ainsi à tort à Albert Capellani une formation dans le théâtre. De la même manière, certains en ont fait abusivement un disciple du metteur en scène André Antoine. Bref, tout restait à faire et c’est justement ce que s’est dit Christine Leteux quand son éditeur lui proposa d’écrire une biographie sur le réalisateur de Germinal. Elle repartit donc tout simplement de zéro en retournant à sa fiche d’état civil pour retrouver autant d’information que possible. Un véritable travail d’investigation qui la mène sur le parcours scolaire du futur cinéaste, son passage dans l’armée, ses différents emplois avant d’arriver chez Pathé et sur des tournages qui l’ont conduit de la France aux Etats-Unis pour une multitude de sociétés de production, qu’elles soient indépendantes ou non. Un travail sans doute intimidant mais Christine Leteux avait fait ses armes sur les traductions de deux œuvres emblématiques de Kevin Brownlow : La parade est passée et surtout Napoléon - le grand classique d’Abel Gance dont elle traqua les articles, les lettres et les déclarations d’origines plutôt que de traduire en français les traductions anglaises des nombreuses sources françaises que l’auteur avait réunis dans les années 1970. De Brownlow, elle garde aussi sa plume fluide, passionnante et passionnée pour une écriture simple, enthousiaste et humble sans excès de style démonstratif et superflu. Elle est donc parvenue à reconstituer la vie d’Albert Capellani de sa naissance en 1874 jusqu’à sa mort prématurée en 1931. Avec les nombreux trous qui jalonnent son existence et sa carrière, Leteux se livre à de nombreuses suppositions mais à chaque fois elle à l’intelligence de les présenter comme des faits aux conditionnels tout en détaillant autant que possible les raisons qui laissent à croire qu’ils sont plausibles… Plus crédibles en tout cas que tout ce qui avait été écrit sur Capellani avant elle quoiqu’il en soit. Loin d’amenuiser le plaisir, ce portrait « complété et imaginé » de ce pionnier du cinéma muet se dévore d’une traite et ne s’avère jamais frustrant, si ce n’est celui de juger sur pièces les réalisations du cinéaste, surtout celles de sa période américaine. En effet, peu d’éditions vidéos existent de cette partie de sa carrière, contrairement à sa carrière française. Pour faire la fine bouche, on pourrait regretter par moment un surplus d’informations et de chiffres pas toujours nécessaires mais ce souci d’exhaustivité fait qu’on tient sans aucune doute le livre de référence sur la vie de cette figure trop longtemps oubliée du 7ème art. A ce titre, il faut rappeler que ce livre n’est en aucun cas un ouvrage d’analyse filmique (et encore moins universitaire) mais une biographie atypique doublée d’une aventure historique palpitante grâce à la connaissance sans faille de Christine Leteux sur cette période féconde et stimulante où le cinéma s’inventait de jour en jour. Ce livre – on peut presque parler de monographie à ce niveau – désormais indispensable est disponible chez La Tour Verte avec une préface de Kevin Brownlow et une filmographie complète, enrichie d’un glossaire précieux qui répertorie les titres ayant survécu et ceux disponibles en DVD. Indispensable donc !
Anthony Plu

dimanche 7 juillet 2013

Under Eighteen 1931

Un film d'Archie Mayo avec Marian Marsh, Anita Page, Warren William et Regis Toomey

Margie Evans (M. Marsh) est couturière dans une maison de couture chic de New-York. Elle vit dans un tout petit appartement de L'East End avec sa mère et espère pouvoir un jour monter en grade. Sa soeur (A. Page) et son beau-frère débarquent un jour chez eux ; ils n'ont plus de toit...

Under 18 appartient à cette série de films Warner qui offrent des commentaires sociaux sur la vie des petites gens. Comme dans Employees' Entrance, on découvre la vie des filles mannequin qui se vendent au plus offrant pour arrondir leur fin de mois. Mais, comme le dit une de leurs collègues, elles sont tenus par leurs riches amants qui ne leur donnent pas un cent en argent de poche. Le rôle principal du film est une jeune fille innocente et naïve qui regarde tout ce monde sans nécessairement comprendre l'envers du décor. Ainsi lorsqu'elle découvre que sa soeur Sophie (Anita Page) est malheureuse avec son époux, elle lui suggère de divorcer, appliquant les recettes qu'elle a entendues au salon de couture. Elle croît faire au mieux pour sa soeur en se décarcassant pour trouver les 200 dollars nécessaires pour l'avocat. Elle va aller naïvement voir son petit ami Jimmy (R. Toomey), un riche client (W. William) et son patron. Margie pense que le mariage n'est peut-être pas cet état de bonheur absolu qu'elle envisageait lorsqu'elle voit sa soeur en train de se quereller avec son époux sans emploi. Après tout, elle pourrait elle aussi devenir modèle et se faire entretenir par un riche vieux beau comme Raymond Harding (Warren William). Lorsqu'elle aura visiter le luxueux appartement du millionaire avec ses soirées endiablées autour d'une piscine, elle sera capable de réfléchir sereinement à tout cela. Le scénario offre une série de surprises et d'événements inattendus qui tiennent en haleine. Et au final, Margie aura les 200 dollars convoités. Mais, ils se révèleront inutiles : entre temps, sa soeur s'est réconciliée avec son époux. Marian Marsh est excellente en jeune fille naïve et fraîche. Il y a de très bons seconds rôles et c'est une belle réussite à mettre au crédit de Mayo.

Employees' Entrance 1933

Un film de Roy Del Ruth avec Warren  William, Loretta Young, Wallace Ford, Alice White and Albert Gran

Kurt Anderson (W. William) dirige d'une main de fer un grand magasin new-yorkais. La jeune Madeline (L. Young) qui recherche désespérement un emploi, en fait les frais. Ayant obtenu un job de mannequin dans le magasin, elle doit cacher à tout le monde qu'elle est fiancé à Martin (W. Ford), qui devient le bras droit d'Anderson...

Cet excellent film de Roy Del Ruth contient l'une des meilleures interprétations de Warren William, un des piliers de la Warner durant la période pre-code. En patron tyrannique, qui ne recule devant rien pour augmenter les marges bénéficiaires du magasin, il montre des qualités d'éloquence et de dynamisme qui rappellent John Barrymore dans Counsellor-at-law (1933, W. Wyler). Ayant dû grimper les échelons à la seule force de son caractère, il élimine toute personne qui ne correspond pas à son idée du succès. Un vieil employé se suicide suite à son renvoi : qu'importe ! Pour ce qui est des femmes, il leur offre une chance d'emploi si elles veulent bien passer par sa chambre à coucher. Il n'a pas ni morale, ni remords. Toute sa vie est concentrée sur son travail. Loretta Young est ici une proie facile face à ce prétadeur, mais elle réussira finalement à échapper à ses griffes après bien des tourments. Les seconds rôles sont tenus par une multitude de têtes connues de l'époque avec tout le talent voulu. Le film est dynamique et superbement construit. Un vrai moment de bonheur qui n'oublie pas de nous faire réfléchir sur une société où le profit prime sur tout.

Massacre 1934

Un film d'Alan Crosland avec Richard Barthelmess, Ann Dvorak, Claire Dodd, Dudley Digges, Clarence Muse et Tully Marshall

Le chef Thunderhorse (R. Barthelmess) travaille dans un cirque où il réalise un numéro d'acrobatie équestre qui lui vaut de nombreux succès féminins. Un jour, il apprend que son père est mourant et il part pour la réserve des Sioux qu'il a quittée depuis des décennies...

Massacre est une oeuvre à part dans la production pre-code des années 30.  Alors que les Indiens avaient eu droit à un traitement sympathique durant les années 10 et 20, l'arrivée du parlant et la descente en gamme des westerns (rélégués aux séries B, voire pire) en fait de simples sauvages hurlants destinés à tomber sous les coups de revolvers. Heureusement, ce film d'Alan Crosland prend totalement à revers cette vision stéréotypée. Retouvant les accents pro-Indien de The Vanishing American (1925, G.B. Seitz), il fait le portrait d'un Indien qui s'est intégré dans la société blanche de son époque en devenant une star de cirque. Certes, il en est réduit à jouer de son image et à en rajouter avec un maquillage foncé, mais Thunderstorm a acquis patiemment une place dans la société. C'est en retournant dans la réserve qui accueille les siens qu'il va réaliser à quel point les Indiens ne sont pas des citoyens américains à part entière. Ils n'ont strictement aucun droit face à des officiels corrompus, les fameux agents des réserves, qui peuvent s'emparer de leurs biens ou violer leur fille sans qu'ils puissent protester. Lorsque Thunderstorm arrive, il réalise qu'il va falloir défendre rapidement sa tribu en utilisant toutes ses connaissances acquises grâce à sa renommée. Le film offre un tableau sans concession de la vie misérable des peaux-rouges et se permet même de comparer leur sort avec celui des noirs. Clarence Muse, qui joue le valet de Barthelmess, constate lui-même que son sort de domestique est nettement plus enviable que celui des Indiens de la réserve. Barthelmess est égal à lui-même, dans une période où sa carrière va bientôt se clore, en redresseur de torts dans la lignée de Paul Muni dans I Was a Fugitive from a Chain Gang (1932, M. LeRoy). La fin heureuse paraît peu plausible, mais qu'importe. C'est un film noir qui se déguste avec plaisir pour son ton inhabituel.

vendredi 7 juin 2013

Doch' kuptsa Bashkirova 1913

La Fille du marchand Bashkirov
Un film de Nikolai Larin

Au bord de la Volga, la fille du marchand Bashkirov est amoureuse d'un employé de son père. Mais, ce dernier souhaite la marier à un vieil homme. Surprise par l'arrivée inopinée de son père, elle cache son amoureux sous les édredons de son lit. Le malheureux meurt étouffé...

On ne connait que très peu de chose sur ce film. On ne sait rien sur le réalisateur Nikolai Larin qui travaillait pour une petite société de production, Volga Co, et le nom des acteurs reste un mystère. Par contre, on sait que le producteur Grigori Libken avait sciemment utilisé une histoire vraie pour pouvoir éventuellement faire chanter la famille Bashkirov. Le résultat est étonnant et prouve que le cinéma de 1913 était déjà professionnel, même dans les coins les plus reculés de la Russie. Bien qu'il manque 2 bobines et que les intertitres n'aient pas été retrouvés, la narration reste totalement compréhensible. Le film suit les événements tragiques qui s'enchaînent et accablent la fille du marchand Bashkirov. Elle aime l'employé de son père, mais le malheureux meurt accidentellement. Alors sa servante va chercher un paysan pour se débarrasser du corps discrètement. Mais, celui-ci va se transformer en maître-chanteur, demandant toujours plus d'argent, puis va même la violer en échange de son silence. La jeune fille se vengera en mettant le feu à la taverne où il est endormi ivre mort. Fidèle à leur tradition littéraire, les russes ne cherchent pas à enjoliver la réalité comme le feraient les Américains à la même époque. Et, le film se termine par une vengeance sans chercher à sauver la morale. Le film a des points communs avec le premier film d'Evgeni Bauer, Sumerki zhenskoi dushi (1913) où l'héroïne se venge elle aussi de son violeur en le tuant. Si vous êtes intéressé par ce film de Nikolai Larin, il est disponible chez Milestone Films dans leur magnifique collection de films muets russes de la période pré-révolutionnaire.

lundi 3 juin 2013

They Call It Sin 1932

Un film de Thornton Freeland avec Loretta Young, Una Merkel, David Manners, Louis Calhern et George Brent

Jimmy Decker (D. Manners), envoyé par son patron dans un coin perdu du Kansas, y rencontre Marion Cullen (L. Young) qui est l'organiste de l'église. Il tombe amoureux d'elle alors qu'il est déjà fiancé. Marion, rejetée ses parents, part le rejoindre à New York...

Ce délicieux Pre-code offre une intrigue extrêmement riche pour ses 69 minutes. Certes, il y a de sérieuses invraisemblances, surtout vers la fin. Cependant, le film offre un curieux mélange de légèreté comique - avec en particulier une Una Merkel très verve - et de tragique qui fonctionne grâce à cette rapidité. Loretta Young y joue une jeune fille, Marion, issue d'une famille pieuse du Kansas qui voudrait devenir compositrice. Mais, sa destiné prend un tour tout à fait différent grâce à sa rencontre avec Jimmy (le très séduisant David Manners) qui s'ennuie mortellement dans ce trou perdu. Il n'hésite pas flirter avec la jeune fille, alors qu'il est lui-même déjà pratiquement marié. C'est alors - premier coup de théâtre - que Marion apprend qu'elle a été adoptée ! Puis, elle part pour New York persuadée d'y retrouver Jimmy qui s'est bien gardé de lui dire qu'il n'était pas libre. Elle l'apprend rapidement et décide de gagner sa vie. Grâce à la rouée Dixie Dare (quel nom formidable pour Una Merkel !), elle est embauchée comme pianiste par le producteur Ford Humphries (Louis Calhern) qui songe bien à la mettre dans son lit. Marion est dans une situation bien compliquée: elle doit résister aux avances de son patron tout en conservant son boulot, repousser Jimmy qui est marié et écouter les déclarations enflammées du Dr Travers (George Brent). Comme tout cela ne se prend pas trop au sérieux, on peut déguster l'intrigue qui est mise en valeur par des contre-plongées tout à fait inattendues et intéressantes dans un film de série. Grâce au casting grand luxe du film, on ne s'ennuit pas une minute avec en prime des seconds rôles formidables comme Elizabeth Patterson ou Bert Roach.

samedi 1 juin 2013

Albert Capellani - Cinéaste du romanesque (V)

Une nouvelle critique de mon livre vient de paraître dans le numéro de Positif du mois de juin 2013:
La critique ci-dessus me donne envie de réagir. Ma démonstration selon laquelle Albert Capellani ne travaillait pas avec Antoine serait « fragile ». Je suis vraiment étonnée de lire un tel qualificatif surtout lorsque la démonstration en question est soutenue par des recensements, des listes électorales, un dossier militaire, la correspondance d’André Antoine, l’interview d’un contemporain et d’autres documents de la BnF. Je crois avoir connu des assertions plus fragiles, comme celles de Charles Ford, qui ne fournit aucune preuve et aucune référence et que l’auteur de cette critique a reprises – sans vérifications – dans son récent documentaire sur Albert Capellani.

dimanche 26 mai 2013

Richard Wagner - Eine Film-Biographie 1913

Un film de Carl Froelich avec Giuseppe Becce, Olga Engl, Manny Ziener et Ernst Reicher

La vie et l'oeuvre du compositeur Richard Wagner.

Ce film biographique du compositeur allemand a été produit en 1913 pour célébrer le centième anniversaire de sa naissance. En 2013, il reparaît dans une nouvelle restauration pour la célébration de ses 200 ans. La vision de ce film permet de mesurer combien la vision de ce compositeur s'est modifiée en un siècle. En 1913, sa veuve Cosima Wagner était toujours vivante et en impitoyable gardienne du temple qu'elle était, on peut imaginer qu'elle surveillait toute oeuvre ayant trait à son époux. Le film de Carl Froelich est donc une hagiographie sur Richard Wagner où tous les aspects les plus antipathiques du personnage sont (sciemment) ignorés. En effet, il n'est fait nulle mention de son antisémitisme, de ses aventures extra-conjugales ou du ménage à trois avec les von Bülow. Wagner n'apparaît ici que comme un artiste incompris en proie aux cabales et aux complots des Jésuites (habillés bizarrement comme le Don Basilio du Barbier de Séville) et des ministres de Louis II de Bavière. Ceci posé, le film en lui-même est intéressant si on le replace dans le contexte de l'époque. C'est sans aucun doute une oeuvre ambitieuse visuellement qui tente de rendre palpable les visions de ce compositeur de génie ainsi que sa vie mouvementées de jeune révolutionnaire, ami de Bakounine. C'est le compositeur d'origine italienne Giuseppe Becce qui interprète Wagner tout en étant responsable de la composition de la partition orchestrale du film. Evitant un tournage entièrement en studio, le film nous montre de nombreux lieux importants dans sa vie, tel le Festspielhaus de Bayreuth. Quant à la partition de Becce, elle étonne en ce qu'elle ne veut pas un simple pot-pourri des oeuvres de Wagner. Au contraire, il cite Mozart, Beethoven et Rossini. La restauration et la réorchestration de celle-ci sont un travail d'orfèvre avec en plus au pupitre l'excellent Frank Strobel. Le film gagne immensément en ampleur grâce à ce travail. Becce est un Wagner crédible qui évite tout excès interprétatif. Certes, les libertés prises avec la vérité font sourire le spectateur averti comme lorsqu'on nous assure que Minna Wagner n'avait aucun raison de suspecter une quelconque relation entre son époux et Mathilde Wesendonck. Pire encore, il y a la soudaine apparition de Hans et Cosima von Bülow sans qu'on les mentionnent. Il faut dire que Richard a fait porter de belles cornes au malheureux Hans. Ses rapports complexes avec Meyerbeer sont éludés. On n'aperçoit que lors d'une courte scène son aîné (narquois) qui lui remet une lettre d'introduction qui va se révéler inefficace. Malgré ses défauts, le film est une oeuvre intéressante des années 10.

lundi 20 mai 2013

The Silent Enemy 1930

L'Ennemi silencieux
Un film de H. P. Carver avec Chief Yellow Robe, Chief Buffalo Child Long Lance et Chief Akawanush

Dans le grand nord américain, au sein de la tribu Ojibwé, le chasseur Baluk est en conflit avec le chamane Dagwan. Alors que l'hiver approche, Baluk part à la recherche de gibier vers le sud. Dagwan souhaite ardemment qu'il échoue pour obtenir la fille du chef, Neewa...

Ce film hors normes a été produit par un certain W. Douglas Burden. Ayant vécu longtemps au Canada, il souhaitait réprésenter la vie des tribus indiennes locales. C'est la vision du magnifique film Chang (1927) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack qui le décide à sauter le pas. Il s'associe avec William Chanler et embauche le réalisateur H.P. Carver pour la direction et le scénario. Le sujet du film sera la lutte pour la vie de la tribu des Ojibwés dans le Grand Nord canadien dans une période antérieure à l'arrivée des Européens en Amérique. Le producteur traverse toute l'Amérique à la recherche d'Indiens de différentes tribus pour interpréter les rôles principaux. C'est ainsi que Yellow Robe, le neveu du chef Sioux Sitting Bull est choisi pour jouer le rôle du chef. Chaque acteur a été choisi avec minutie pour correspondre au personnage. Le tournage est extrêmement difficile par des températures de - 35 degrés et toute l'équipe vit sous des tentes.
Le résultat à l'écran est magique. Le film reconstitue avec précision la vie de ce peuple du Grand Nord qui doit lutter âprement pour survivre aux longs hivers glaciaires. Il faut impérativement être un bon chasseur ou pêcheur pour pouvoir accumuler des réserves pour le long hiver qui s'annonce. Comme le carton du début du film nous l'annonce, cet ennemi silencieux, c'est la faim. En moyenne tous les sept ans, la tribu en souffre. Il faut donc se déplacer, rouler l'écorce des tipis, et partir à pieds vers des contrés plus giboyeuses. Mais, les grandes étendues du nord recèlent des prédateurs qui peuvent être des concurrents de l'homme: le puma et le carcajou, qui n'hésitent pas voler ou souiller la nourriture de la tribu. Alors que l'hiver s'installe, il ne reste plus comme solution aux Indiens que de partir vers le territoire des caribous tout au nord. Les troupeaux sont immenses, mais très loin de leur campement. Le voyage sera dur et meurtrier couronné par une chasse épique alors qu'une vague de caribous envahit la plaine telle une coulée de lave. La beauté des images et la puissance de l'évocation de ces hommes courageux et téméraires produisent un effet électrisant sur le spectateur comme si nous avions été autorisés à remonter le temps et à découvrir le continent Américain avant l'arrivée de Christophe Colomb. Mais, le film ne se limite pas à l'aspect documentaire. Son scénario est extrêmement bien construit et montre l'opposition entre deux hommes au sein de la tribu : d'un côté le courageux Baluk et de l'autre le traître Dagwan qui ne recule devant aucune combine pour vaincre son rival. Le personnage du grand chef est également magnifique alors qu'il part seul sous la neige pour jeûner et tenter d'aider sa tribu en se mettant en relation avec le Grand Esprit. Ce film muet est sorti en salles en 1930, distribué par Paramount. Et ce fut un échec. Grâce à plusieurs historiens du cinéma, en premier lieu Kevin Brownlow et David Shepard, il est ressorti de l'oubli. Une superbe restauration a été diffusée l'année dernière sur Arte avec une excellente partition orchestrale. Il est également disponible en DVD aux USA. L'un des plus beaux films sur les Indiens d'Amérique.

mercredi 15 mai 2013

Prapancha Pash 1929

A Throw of Dice (La Partie de dés)
Un film de Franz Osten avec Seeta Devi, Himansu Rai et Charu Roy

Le roi Sohat (H. Rai) a décidé d'éliminer par tous les moyens son cousin le roi Ranjit (C. Roy). Mais, la tentative d'empoisenement échoue ; il est soigné par un vieil hermite. Ranjit tombe amoureux de Sunita (S. Devi), la fille de ce dernier...

Cette co-production anglo-germano-indienne est une adaptation d'un épisode de la saga du Mahabarata tournée en Inde avec des acteurs indiens. Le réalisateur allemand Franz Osten réussit à capturer brillamment les beautés de l'Inde tout en évitant de sombrer dans la couleur locale. L'histoire est un conte universel : la rivalité entre deux rois pour la possession d'un royaume et celle d'une femme. Ils sont tous deux des joueurs passionnés et une partie de dés va décider de la destinée de Ranjit car le malheureux ignore que ceux-ci sont truqués. Le film m'a fait pensé pour sa splendeur visuelle au Thief of Bagdad (Le Voleur de Bagdad, 1924) ; mais, ce film-là offre une réalité et une véracité que n'a pas la production américaine. Ne reculant devant rien, A Throw of Dice a été réalisé avec plus de 10 000 figurants, 1 000 chevaux et 50 éléphants. Et le résultat à la hauteur, une mise en images de toute beauté d'un conte indien avec trois acteurs principaux excellents dans leurs rôles respectifs. La restauration effectuée par le BFI en 2006 est magnifique et le film est accompagné par une partition symphonique moderne de qualité. Un film à découvrir.

samedi 11 mai 2013

The Return of Draw Egan 1916

Un film de William S. Hart avec Wm S. Hart, Margery Wilson, Louise Glaum et Robert McKim

Draw Egan (Wm S. Hart) est un hors-la-loi recherché. Mais, un éniment citoyen de la petite ville de Yellow Dog lui demande, sans connaître son identité, de devenir le Marshall de cette ville sans loi...

Ce superbe western de 5 bobines, produit par T. H. Ince, mentionne pour la première fois William S. Hart comme étant le réalisateur. Il s'agit d'un de ses meilleurs films avec une construction dramatique parfaitement contrôlée, des angles de prise de vue élaborés et un scénario superbe de C. Gardner Sullivan. Il fait la démonstration sans effort apparent que le western est un genre cinématographique à part entière. Il est Draw Egan, un hors-la-loi, chef de bande recherché dans tout le pays. Pourtant, dès le début, on constate qu'il reste chez lui un certain code de l'honneur que semble ignorer un de ses complices Arizona Joe (R. McKim) qui ne songe qu'à s'enfuir au plus vite. Comme toujours, C. Gardner Sullivan n'oublie pas d'incorporer un humour bienvenu aussi bien dans les cartons d'intertitres (voir ci-dessus) que dans les situations. Il en effet cocasse de constater que le hors-la-loi va devenir un shérif craint de tous dans cette ville champignon et sans loi, la bien nommée Yellow Dog. Il devient un des citoyens les plus respectés de la ville. Mais, c'était sans compter l'arrivée d'Arizona Joe qui menace de révéler sa véritable identité, d'autant plus ennuyeux que Draw Egan est amoureux de Myrtle (M. Wilson).
Le film se termine par un duel dans une rue déserte tel qu'on en verra des centaines dans les westerns à venir. Tout est parfaitement agencé avec l'arrivée de Egan dans le lointain, Joe caché derrière des barils prêt à lui tirer dessus. Egan s'avance face à la caméra en gros plan. La scène est montée et chorégraphiée avec tout le suspense voulu. Un magnifique William S. Hart qui mériterait mieux que les éditions médiocrissimes que l'on trouve de nos jours. 

vendredi 10 mai 2013

Proud Flesh 1925

Fernanda (E. Boardman) et Don Diego (H. Ford)
Un film de King Vidor avec Eleanor Boardman, Pat O'Malley et Harrison Ford

La très snob Fernanda Borel (E. Boardman) quitte l'Espagne pour aller visiter son oncle à San Francisco. Elle y rencontre Pat O'Malley (P. O'Malley) un entrepreneur de plomberie qui tombe amoureux d'elle...

Cette comédie romantique signée King Vidor a été tournée juste avant The Big Parade (La Grande parade, 1925) qui va placer le metteur en scène parmi les plus grands de l'époque. Proud Flesh n'est pas du tout du même gabarit. Néanmoins, malgré un scénario assez simpliste, Vidor montre son immense talent de directeur d'acteurs. Celle qui allait devenir bientôt sa nouvelle épouse, Eleanor Boardman, y joue une jeune femme incroyablement snob, née lors du tremblement de terre de San Francisco de 1906 (comme si cet événement cataclysmique annonçait également l'arrivée sur terre de cette créature insupportable). Elle est courtisée par Don Diego (Harrison Ford), un hidalgo raffiné et pédant. Son arrivée à San Francisco est l'occasion de plusieurs scènes comiques alors que Fernanda découvre 'les horribles montagnes' de la ville! Ce qui rend le film intéressant, ce sont ses rapports avec Pat O'Malley (qui joue sous son propre nom). Lui, le self-made-man à l'américaine n'a rien d'un poseur. Il est tout de go alors que Fernanda n'est que prétention et snobisme.   Cela ne va pas l'empêcher de goûter avec ardeur au baiser qu'il lui plaque sur les lèvres lors d'une soirée dans un gratte-ciel. On ne sait plus si elle a le vertige à cause de la hauteur ou du baiser. Le film étudie aussi intelligemment les différences de classe. Alors qu'O'Malley s'est introduit chez l'oncle de Fernanda habillé en plombier, Don Diego le prend au pied de la lettre et lui propose de prendre le thé tous ensemble, y compris avec les domestiques. Evidemment, les domestiques (chinois et espagnole) n'ont rien à se dire et tout le monde est gêné au possible. Diego vient de lui démontrer que la belle égalité à l'américaine n'est qu'une façade. Vidor a eu aussi la bonne idée d'aller tourner sur place les scènes dans les rues de San Francisco ainsi qu'au bord de la côte pacifique à Carmel. Cela donne lui à une superbe séquence où Fernanda va se promener sur le bord des falaises face à l'océan. La sauvagerie des éléments déchaînés semble refléter ses propres sentiments. Elle est bouleversée par O'Malley sans oser se l'avouer. La fin du film paraît un peu brusquée, mais nous offre une belle scène où le très viril O'Malley est en larmes près de sa mère (comme le sera John Gilbert dans The Big Parade). Un très joli film de Vidor.

lundi 6 mai 2013

Anna Christie 1923

Un film de John Griffith Wray avec Blanche Sweet, George F. Marion, William Russell et Eugenie Besserer

Anna Christie (B. Sweet) se rend à New York pour retrouver son vieux père Chris Christopherson (G. F. Marion) qu'elle n'a pas revu depuis quinze ans...

La pièce d'Eugene O'Neill, créée en 1921 à Broadway, a intéressé le cinéma immédiatement avec cette première version produite par Thomas H. Ince. Au centre du film brille la superbe Blanche Sweet, une des actrices fétiches de D.W. Griffith. Comme Lillian Gish, son physique fragile cache une volonté de fer et des nerfs d'acier. Contrairement à la version parlante (ou plutôt aux versions parlantes) réalisée en 1930, le film muet est plus fluide, n'ayant aucune des contraintes liées aux micros vissés au sol et aux caméras enfermées dans des caissons insonorisés. Le film débute donc en Suède où la petite Anna vit avec sa mère dans l'espoir du retour de son père marin toujours parti au bout du monde. Son émigration aux Etats-Unis avec sa mère ne sera pas le rêve de bonheur escompté, bien au contraire. Le film se permet plusieurs excursions en extérieurs qui donnent au film une respiration qui manque à la version de 1930. Parmi les acteurs, on reconnaît George F. Marion qui avait créé le rôle de Chris Christopherson au théâtre et qui le reprendra encore avec Greta Garbo. D'ailleurs, il est étonnant de voir à quel point les décors et les angles de prise de vue sont similaires, particulièrement dans la scène du bar au début du film comme si le cinéma n'arrivait à pas s'affranchir de l'oeuvre originale. Le film est dominé par la caractérisation de Blanche Sweet qui donne tout son relief à l'héroïne d'O'Neill. Fille abandonnée à une famille de cousin fermier qui l'exploite, elle se retrouve seule, sans un sou et devient prostituée. Le retour vers son père va la ramener à la vie avec en même temps la découverte de l'amour avec le grand Matt Burke (William Russell). Le film est viril et violent, bien plus que la version de Clarence Brown. Certes, John Griffith Wray est sans surprise dans sa direction, mais l'oeuvre est bien rythmée et bien jouée. Un des meilleurs films de Blanche Sweet qui mériterait d'être mieux connu.

dimanche 5 mai 2013

La Femme et le pantin 1928

Un film de Jacques de Baroncelli avec Conchita Montenegro, Raymond Destac et Henri Levêque

Don Mateo (R. Destac) rencontre dans un train Concha Perez (C. Montenegro) et en tombe follement amoureux. Mais, la belle le repousse...

Le roman de Pierre Louÿs a fait l'objet d'une multitude de versions cinématographiques dont la plus célèbre est The Devil is a Woman (1935) du tandem Dietrich-von Sternberg. Pour cette première version, contrairement aux autres cinéastes qui utiliseront une star dans le rôle principal, Baroncelli fait le pari inverse. Il choisit une jeune danseuse espagnole de 17 ans seulement, Conchita Montenegro qui éclate à l'écran avec sa beauté et son charisme. Le film est réalisé avec tout ce qu'il faut de rafinement dans les décors et de nombreuses scènes ont été tournées à Cadix et à Séville. Certes l'intrigue est relativement banale. On suit le cheminement de Don Mateo qui est prêt à tout pour posséder Concha. mais, celle-ci a plus d'un tour dans son sac et lui file toujours entre les doigts en attisant sa jalousie avec malice. Baroncelli joue avec les grilles qui ferment les cours ou les pièces des maisons andalouses. Tel un animal dans une cage, Don Mateo en ait souvent reduit à observer Concha qui se déhanche hors de sa portée. C'était une excellente idée que de confier le rôle de la tentatrice à une très jeune actrice car celle-ci fait de Concha une femme-enfant manipulatrice, tout en conservant une certaine innocence. Son personnage conserve sa part de mystère. Baroncelli va assez loin dans le dévoilement de son actrice qui danse nue face à un groupe de vieux messieurs libidineux. Il filme tout cela de loin à travers une vitre ou un rideau de perles, si bien que cette vision semble presque être un phantasme de Don Mateo qui suffoque face à la tentation. Le film se clot comme il avait commencé par une reconstitution du célèbre tableau de Goya, El pelele (Le pantin) où quatre jeunes filles font sauter un pantin dans une toile tendue. Don Mateo restera à jamais un pantin dans les mains de la belle Concha. Le film a été diffusé en 1997 sur Arte avec une partition de Georges van Parys qui est entraînante, mais bien trop répétitive.

Der Rosenkavalier 1926

Le Chevalier à la rose
Un film de Robert Wiene avec Huguette Duflos, Jaque Catelain et Michael Bohnen

Octavian (J. Catelain), l'amant de la Maréchale (H. Duflos), est sélectionné pour apporter une rose d'argent à la jeune Sophie (E.F. Berger) qui est promise au baron Ochs (M. Bohnen)...

Le chef d'oeuvre de Richard Strauss semblait un sujet parfait pour le cinéma muet. D'autant plus que pour la création de ce film, on avait commandé au compositeur une partition inspirée de son opéra dont il reprenait les principaux leitmotives. Malheureusement, l'intrigue originale qui est l'oeuvre du génial Hugo von Hofmannstahl a été réécrite en voulant certainement ajouter des épisodes pour la rendre moins théâtrale. Hélas, bien loin d'améliorer l'original, cette modification rend les personnages falots et l'intrigue devient celle d'une médiocre pièce de boulevard. Ce qui faisait la valeur de l'oeuvre commune de Strauss et d'Hofmannstahl, c'était la subtilité psychologique des personnages, le rythme et l'humour des situations. Avec Wiene, nous avons droit à une illustration plate au rythme fort relaché, à des personnages dépourvus de profondeur et à une direction d'acteur sans saveur. Il faut dire que la distribution est dominée - s'il on peut dire ! - par le couple Huguette Duflos-Jaque Catelain. Ces deux acteurs français étaient déjà apparus ensemble dans le Koenigsmark (1923) de Léonce Perret et ils sont tout aussi inintéressants dans ce film. Duflos ne fait presque rien à part prendre l'air ennuyée et Jaque Catelain est un Octavian catastrophique. Si on le compare à une myriade de grandes mezzo-sopranos qui ont interprété le rôle, elles apportent à Octavian plus de virilité et d'entrain que ce malheureux acteur qui papillonne des yeux. D'ailleurs, ce rôle travesti est certainement bien plus intéressant lorsqu'il est interprété par une femme. Lors du dernier acte, Octavian doit se traverstir en soubrette pour confondre ce vieux libidineux d'Ochs. Pour cette scène, l'interprète d'Octavian doit suggérer qu'elle est un jeune homme travesti en fille (et non pas l'inverse). Le résultat est souvent renversant d'intelligence scénique. Alors que reste-t-il de l'opéra de Strauss dans ce film platement mis en scène ? Eh bien, à part la partition géniale du compositeur qui suggère des couleurs, des raffinements et un rythme absent du film, pas grand chose. Si vous voulez découvrir Le Chevalier à la rose, achetez plutôt un DVD de l'opéra, de préférence dirigé par Carlos Kleiber.

vendredi 3 mai 2013

Johan 1921

A travers les rapides
Un film de Mauritz Stiller avec Jenny Hasselqvist, Mathias Taube et Urho Somersalmi

Marit (J. Hasselqvist) a épousé Johan (M. Taube) malgré l'opposition de la mère de celui-ci. Mais, une fois mariée, elle  s'éloigne de son époux. Un étranger (U. Somersalmi) arrive et fait tout pour la séduire...

Ce magnifique film de Mauritz Stiller est une adaptation du roman Juha du finlandais Juhani Aho. Stiller était d'ailleurs lui-même d'origine finlandaise. L'intrigue est simplissime: la jeune Marit a été adoptée enfant par Johan et sa mère. Elle devient la servante de la famille, exploitée par la mère qui profite de sa reconnaissance. Et lorsque son fils décide d'épouser Marit, elle fait tout ce qu'elle peut pour l'éloigner, sans résultat. Pourtant, le mariage ne semble pas heureux. Il y a une grande différence d'âge entre les époux et Marit va soudain suivre un jeune étranger pour vivre une passion éphémère. Stiller utilise au mieux les décors sauvages qui symbolisent admirablement le voyage émotionnel de l'héroine. Elle descent les rapides dans une barque avec son amant, à la fois terrorisée et pourtant recherchant le risque. C'est finalement cette séparation et cette courte aventure avec cet étranger volage qui va souder son couple avec Johan. Jenny Hasselqvist est une magnifique Marit à la recherche d'une aventure des sens qui lui est inconnue. Contrairement à tant de films tournés avec des transparences en studio, Johan est tourné entièrement en décors naturels en prenant tous les risques. Il faut noter qu'en 1999, le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki en a fait un remake. C'est un Stiller de tout premier ordre qui a été diffusé par Arte en 2001 avec une partition assez irritante que j'ai remplacé epar la symphonie N°3 de Jean Sibelius. Sa musique reflète admirablement l'ambiance de Johan. Une pure merveille.

lundi 29 avril 2013

Ingmarssörnena 1918

La Voix des ancêtres
Un film de Victor Sjöström avec Victor Sjöström, Harriet Bosse, Torre Svennberg et Hildur Carlberg

Le fermier Lil Ingmar (V. Sjöström) monte au ciel pour demander conseil à son vieux père (T. Svennberg). Il lui raconte son malheur. Il  était sur le point de se marier avec Brita (H. Bosse), mais la mauvaise récolte lui a fait différer le mariage. Or Brita, déjà installée chez lui, attendait un enfant...

Ce magnifique film de Sjöström est une oeuvre d'auteur complet. Il joue le rôle principal tout en ayant lui-même adapté le roman de Selma Lagerlöf (Jerusalem) et il en assure la mise en scène. Contrairement à ses films précédents comme Terje Vigen (1917) et Berg-Ejvind  och hans ustru (Les proscrits, 1918) qui sont des chefs d'oeuvres lyriques et flamboyants, Ingmarssörnena travaille dans l'introspection et une analyse minutieuse de l'âme humaine. Entre d'autres mains, ce film de deux heures pourraient être un pensum. Avec Sjöström, c'est un miracle d'humanité et pudeur. Il prend son temps pour nous conter la vie d'Ingmar, un jeune fermier un peu fruste et taiseux. Celui-ci aime Brita, la fille d'un riche voisin. Or celle-ci ne ressent rien pour lui; mais elle doit accepter de le suivre suite aux injonctions de ses parents qui considèrent que c'est un mariage bienvenu avec un riche fermier. Dès le début, il y a une incompréhension totale entre les futurs époux. Elle est profondément malheureuse dans la ferme d'Ingmar et ne s'entend pas avec sa belle-mère. Et lui ne comprend pas pourquoi elle dépérit de jour en jour. Brita a suivi son fiancé avant même le mariage, comme c'était la coutume à l'époque. Et voilà que la récolte s'annonce mauvaise. Ingmar décide de reculer le mariage d'une année. La malheureuse Brita est enceinte et plutôt que de donner naissance à un enfant illégitime, elle préfère le tuer à la naissance. Elle est condamnée à trois ans de prison, malgré l'intervention d'Ingmar durant le procès. Ce récit est fait par Ingmar lui-même alors qu'il consulte son père mort après avoir escaladé une échelle qui monte au ciel. Il est incapable de prendre une décision. Doit-il aller retrouver Brita à sa sortie de prison ou l'oublier à son triste sort? Son père lui donne le conseil énigmatique de "suivre le chemin de Dieu". Ingmar va donc aller chercher Brita à sa sortie de prison. Comme auparavant, ils sont incapables de se parler franchement. Brita a changé et elle a appris à aimer Ingmar. Lui ne sait pas comment exprimer ses sentiments. Durant le trajet qui les ramènent à la ferme familiale, ils vont lentement réappendre à se comprendre. Sjöström et Harriet Bosse sont des interprètes magnifiques dans la retenue et l'intelligence. Ils réussissent à conférer à leurs deux personnages une puissance émotionnelle et une vérité psychologique que l'on n'attend pas dans un film de 1918. Et en tant que metteur en scène, Sjöström montre qu'il est à l'aise aussi bien dans la fresque lyrique que dans une étude psychologique au petit point. Un film bouleversant et unique. (Dans Karin Ingmarsdotter (1920), il poursuit la saga de la famille Ingmar en nous montrant la destinée de sa fille.)

jeudi 25 avril 2013

Albert Capellani - Cinéaste du romanesque (IV)

Quelques nouvelles critiques sur ma biographie d'Albert Capellani. D'abord, sur le blog de David Bordwell, sous la plume de Kristin Thompson:
[...] Not surprisingly, during the intervening years, scholars have been busy researching Capellani’s films and career. March 6 to 24 saw a major retrospective at the Cinémathèque Française. Shortly before it began, the first biography appeared: Christine Leteux’s Albert Capellani: Cineaste du Romanesque, with a foreword by Kevin Brownlow. Leteux discovered Capellani in May of 2012, thanks to seeing Notre-Dame de Paris and Les Misérables at the Forum des Images in Paris. Setting out to learn more about the filmmaker, she realized how thoroughly his memory had nearly vanished from film history. She sought out and received the cooperation of his grandson, Bernard Basset-Capellani, whom she describes as “intarissable” (inexhaustible) on the subject. The result is a solid, traditional biography, with chapters mostly organized around the companies for which Capellani worked (Pathe, SCAGL, World, Mutual, and so on) and some of his key films (Les Misérables, The Red Lantern). The prose style is easily readable French, at least to someone like me with an average knowledge of the language. For an interview with Leteux concerning the book, see hereLeteux’s book is a vital source for anyone interested in early cinema.

I was pleased to see that the last chapter ends with some quotations from my second entry on Capellani, ending with “With the end of the main retrospective, however, it is safe to say that from now on anyone who claims to know early film history will need to be familiar with Capellani’s work.”
The book includes a filmography and list of films available on DVD. These include a new one, a restoration of The Red Lantern by our friends at the Cinematek in Brussels, available on Amazon.fr or directly from the Cinematek’s shop.
Sur le site Journal Cinéphile Lyonnais:
Sortie d’un livre sur ce réalisateur français qui a débuté lorsque le cinéma n’avait pas dix ans et qui avait un sens rare de l’image à une époque où tout était à imaginer.

Mouvements de caméra inédits, déplacements des personnages dans un cadre superbement travaillé, art de la direction de foules de figurants ou décors en studio ou en extérieurs superbement entremêlés, ce pionnier était oublié encore récemment. Un hommage en 2010 par la Cinémathèque de Bologne et une rétrospective au mois de mars dernier à la Cinémathèque Française ont permis de redécouvrir cet authentique pionnier qui fut un réel inventeur, comme en témoigne  » Le Chemineau  » court-métrage tourné en 1905 d’après un chapitre des  » Misérables  » de Victor Hugo où l’on peut voir un étonnant travelling qui tourne et glisse de gauche à droite puis de droite à gauche pour accompagner le vol de chandeliers par Jean Valjean.
Cette biographie a pu être retracée grâce aux documents inédits retrouvés par Christine Leteux qui tord le cou à de nombreuses erreurs sur les rares éléments de sa biographie qui étaient connus. Cet ouvrage est le travail d’une historienne tenace qui s’est attachée aux faits biographiques plus qu’un exercice d’analyse cinématographique, une approche finalement rare et précieuse, surtout pour un auteur sur lequel aucun ouvrage documenté n’existait.
Un travail de recherche et d’enquêtes impressionnant préfacé par Kevin Brownlow dont les deux derniers ouvrages ( La Parade est passée ; Napoléon ) ont été adaptés en français par Christine Leteux.
« Ce metteur en scène qui plaçait le cinéma sur le même plan que le théâtre, la littérature et la musique, fit faire un pas de géant au septième art par sa subtile direction d’acteurs et son extraordinaire sens visuel«   Christine Leteux 

mercredi 24 avril 2013

Beauty for Sale 1933

Un film de Richard Boleslawski avec Madge Evans, Otto Kruger, Una Merkel et Alice Brady

Letty Lawson (M. Evans) est contrainte de travailler suite à la mort de son père. Son amie Carol (U. Merkel) la fait entrer dans un salon de beauté. Cette dernière complémente ses revenus en se faisant entretenir par un vieux monsieur déjà marié...

Cette production MGM avec un scénario de Faith Baldwin (comme pour The Office Wife), s'intéresse au sort des jeunes femmes qui travaillent dans un institut de beauté. On se retrouve au milieu de dames riches d'un certain âge qui cancannent pendant que de jeunes femmes désargentées tentent de leur redonner une jeunesse depuis longtemps envolée à coup de crèmes et de massages. Chacune essaie d'améliorer son ordinaire. Carol (Una Merkel) ne se fait aucune illusion sur la société qui l'entoure et elle fait tout ce qu'elle peut pour tirer un maximum d'argent d'un vieux beau qui s'ennuit avec sa femme. Letty Lawson (Madge Evans), elle reste en retrait jusqu'à sa rencontre fortuite avec le riche homme d'affaire Mark Sherwood (O. Kruger). Elle tombe amoureuse de cet homme mal marié à une épouse insupportable (Alice Brady) qui passe sa journée allongée. Letty n'est pas prête à rentrer dans le jeu habituel de la maîtresse cachée que l'on jette après usage. D'autant plus que son amie Jane (Florine McKinney) s'est tuée après avoir été abandonnée enceinte par son amant, le fils (Phillips Holmes) de sa patrone. Le film offre une vision assez noire de la condition féminine dans les années 30. Le film est très bien construit entre mélo et comédie avec une superbe photo de James Wong Howe. Il y a des moments mémorables comme lorsque Letty annonce nonchalamment -sans se rendre compte de l'impact de ce qu'elle dit - à Jane que son amant est parti. Jane reste rigide, immobile alors qu'une porte s'ouvre lentement masquant petit à petit sa silhouette. Son suicide est également une scène très réussie avec sa silhouette qui se découpe dans l'ombre face à la fenêtre qu'elle ouvre tout doucement pour se jeter dans le vide. Madge Evans qui jouait souvent des seconds rôles montre ici tout son talent avec son visage expressif dont le sourire rappelle celui de Jean Arthur. Malgré la fin heureuse du film, il reste une certaine amertume dans le souvenir du spectateur. Un joli mélo avec de très bon interprètes et un rythme soutenu.