mardi 30 janvier 2018

Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma 2017

Cérémonie à la Cinémathèque française le 29 janvier 2018
Je suis heureuse de vous annoncer que mon ouvrage Continental Films - Cinéma français sous contrôle allemand a reçu le prix du meilleur livre français sur le cinéma 2017 du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.

vendredi 26 janvier 2018

Tao 1923 (III)

Soun (Mary Harald) sous l'emprise de Tao (J. Hamman) et de l'opium...
Un film en 10 épisodes de Gaston Ravel avec Gaston Norès, Mary Harald, Joë Hamman, André Deed et Andrée Brabant

Episodes 9 & 10
Soun (M. Harald) accepte de suivre Tao (J. Hamman) pour se venger de Vaudry (G. Norès) qui a épousé Mlle de Sermaize (A. Brabant). Néanmoins, Tao ne peut plus s'approprier les champs pétrolifères et décide d'y mettre le feu...

Pour les derniers épisodes, nous retournons en Indochine pour le dénouement de l'intrigue. Soun a perdu tout espoir d'être aimé de Vaudry et elle tombe sous la coupe de Tao qui profite de sa jalousie et de son désespoir. Il y a quelques séquences mémorables dans cette dernière partie, en particulier l'incendie des champs pétrolifères tourné en Camargue (figurant les rives du Mékong) avec un Tao hiératique chevauchant dans son costume d'esprit du mal. Quant à Soun, Mary Harald réussit à lui conférer une vraie sensibilité et c'est bien le seul personnage de ce Ciné-Roman qui évolue sur la durée contrairement aux autres qui restent des clichés de mélodrame. Le couple Vaudry-Mlle de Sermaize est particulièrement fade. Dans la scène finale, nous découvrons Soun en prêtresse de Bouddah, ayant recouvré ses esprits après avoir sauvé la vie de Vaudry. Au total, ce film est agréable grâce à l'utilisation habile des décors de l'exposition coloniale qui lui donne une certaine atmosphère. Et c'est grâce au talent de Mary Harald que nous garderons un bon souvenir de cette épopée coloniale.

jeudi 25 janvier 2018

Tih Minh 1918 (II)

Jacques d'Athys (R. Cresté), Sir Francis Grey (E. Mathé) et Placide (G. Biscot)
à la poursuite des espions
Un sérial en 12 épisodes de Louis Feuillade avec Mary Harald, René Cresté, Georges Biscot, Georgette Faraboni, Gaston Michel, Louis Leubas, Edouard Mathé et Jeanne Rollette

Jacques d'Athys (R. Cresté) aidé de son ami Sir Francis Grey (E. Mathé) poursuivent Kistna (L. Leubas) et Gilson (G. Michel) qui n'ont pas réussi à s'emparer du précieux document détenu par d'Athys...

Louis Feuillade (contre le poteau) face à R. Cresté, E. Mathé et G. Biscot
Pour les derniers épisodes, Feuillade utilise de manière remarquable la géographie tourmentée de l'arrière-pays niçois. Sur les routes en lacet flanquées de ravins vertigineux, nos héros poursuivent les dangereux criminels à pied, en voiture ou même en wagonnet suspendu! Le metteur en scène n'hésite pas faire escalader des façades de grand hôtel à ses acteurs et à précipiter la malheureuse Tih Minh dans un ravin enfermée dans un panier d'osier. Il multiplie les cascades les plus dangereuses qui tiennent en haleine le spectateur jusqu'à la dernière minute. L'une d'elle est proprement ahurissante. Tih Minh a été précipité par dessus une balustrade par un des criminels. Elle est suspendue par les mains, elle tombe dans le vide et comme par miracle atterrit dans les bras de Dolores qui passait justement pas là! Nos héros n'ont finalement pas à commettre de meurtre pour éliminer les méchants: ils s'entretuent, meurent dans des accidents ou se suicident. La police n'est pas une seule fois impliquée dans cette lutte contre les espions étrangers. Seul un diplomate britannique interprété par Edouard Mathé les aide dans cette tache. On a l'impression que Feuillade improvise des rebondissements en fonction des lieux de tournage tel un feuilletoniste chevronné. Il se permet même d'apparaître quelques secondes alors que nos héros vont embarquer dans un wagonnet pour traverser un ravin. Feuillade n'est pas le premier metteur en scène à faire ce genre de caméo; Maurice Tourneur et Albert Capellani l'avaient fait avant lui. C'est cependant une image émouvante de voir Feuillade discutant avec ses trois interprètes et leur indiquant de monter dans le wagonnet. Décidément Tih Minh est un sérial réellement enthousiasmant. Espérons qu'il sera un jour disponible en DVD.

samedi 20 janvier 2018

Tao 1923 (II)

Tao (J. Hamman) attise la jalousie de Soun (M. Harald)
Un film en 10 épisodes de Gaston Ravel avec Gaston Norès, Mary Harald, Joë Hamman, André Deed et Andrée Brabant

Episodes 5 à 8
Soun (M. Harald) a hérité d'un vieux bonze de riches champs pétrolifères. Elle se fait voler ceux-ci par une bande de criminels dirigés par Tao (J. Hamman) qui ont usurpé l'identité d'un banquier, M. de Sermaize. Vaudry (G. Norès) et Soun partent à la poursuite de l'escroc vers Dakar...

L'intrigue de ce feuilleton colonial s'attache à nous montrer comment les colonies étaient perçues comme des zones d'opportunité pour l'exploitation des ressources naturelles, dans ce cas, le pétrole. Mais loin de fustiger cet état de fait, l'auteur n'en fait qu'un élément dramatique opposant d'un côté les "bons colons" comme Jacques Vaudry et de l'autre les escrocs dirigés par Tao, le métis machiavélique. Quant à Soun, admirablement incarnée par Mary Harald, elle n'est qu'un pion dans ce poker menteur. Elle est amoureuse de Vaudry, mais réalise rapidement qu'il lui préfère la blonde, blanche et fade Mlle de Sermaize (Andrée Brabant). Les épisodes se déroulent principalement à Paris et n'offre plus le dépaysement des précédents. André Deed, le grand comique de Pathé des années 1910 sous le nom de Boireau, tente de meubler une intrigue qui patine sans avoir les ressources comiques d'un Marcel Levesque. Il est assommé, mis dans une benne à ordures, enfermé dans un tonneau, percuté par un train, etc. Il ne fait aucun doute que le vétéran est un vrai cascadeur. Mais l'intrigue n'avance guère. Heureusement, une superbe scène clôt le huitième épisode où Soun observe de loin Vaudry et Mlle de Sermaize et comprend qu'elle ne sera jamais que le "chien fidèle" de celui-ci. Mary Harald est de loin la meilleure interprète de ce serial grâce à son naturel et son expressivité alors que les autres sont coincés dans les clichés de leur époque. Même l'athlétique Joë Hamman en rajoute un peu en métis qui convoite une femme blanche. Espérons que les derniers épisodes relèveront un peu le niveau...

jeudi 18 janvier 2018

Tih Minh 1918 (I)

Tih Minh (Mary Harald) droguée par le trio criminel composé de la
Marquise Dolorès (G. Faraboni), Kistna (L. Leubas) et Gilson (G. Michel)
Un sérial en 12 épisodes de Louis Feuillade avec Mary Harald, René Cresté, Georges Biscot, Georgette Faraboni, Gaston Michel, Louis Leubas, Edouard Mathé et Jeanne Rollette

Jacques d'Athys (R. Cresté) revient d'une long voyage en Indo-Chine avec sa fiancée, la jeune Annamite Tih Minh (M. Harald). Il transporte à son insu un document précieux que convoite trois dangereux criminels...

Tih Minh (Mary Harald) en Indochine
J'avais déjà parlé de ce magnifique sérial de Louis Feuillade, il y a quelques années. Il n'est malheureusement que rarement projeté et Gaumont n'a pas jugé utile de le sortir en DVD. Il est en ce moment présenté à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et c'est une occasion unique de revoir dans d'excellentes conditions cette superbe réussite. Le charme du film est dû pour une large part aux interprètes principaux, René Cresté et Mary Harald. Cresté était déjà une star grâce à Judex (1917) alors que la jeune Mary Harald était une inconnue. Je l'ai crue longtemps britannique à cause de son patronyme. Mais, j'avais tort. Mary est née à Hong-Chong (Viêt-Nam) d'un père français et d'une mère annamite, comme on nommait alors les habitants du Viêt-Nam. La fiction suit la réalité de près car le nom de son personnage, Tih Minh, était - si on en croit la presse - le véritable nom de sa mère. Feuillade était un véritable découvreur de talents. Mary Harald, tout comme Sandra Milowanoff, est une actrice d'un grand naturel qui venait de la danse. Elle se retrouve au centre d'une intrigue criminelle où les rebondissements se suivent à une grande rapidité: kidnappings, courses en automobile, meurtres, vols. Le trio de criminels ne lésinent pas sur les moyens et nos héros n'hésitent pas à dégainer leurs révolvers personnels pour s'en débarrasser. La police n'est jamais convoquée pour aider à leur arrestation. Jacques d'Athys (R. Cresté) agit seul avec ses amis le diplomate Sir Francis Grey (E. Mathé) et son domestique Placide (G. Biscot). Nous apprenons finalement que les trois criminels sont des agents de l'Allemagne... Le film a été tourné en 1918, avant l'Armistice. On peut reprocher à Feuillade une psychologie sommaire des personnages. Mais le rythme trépidant de ce sérial tourné entièrement sur la Côte d'Azur nous fait oublier bien vite ses limitations. Et le film prend même un tour quasiment onirique avec la séquence à la Villa Circé où un groupe de femmes, ayant perdu la raison suite l'absorption d'une drogue, court dans le jardin de la villa en chemises blanches. Les acteurs effectuent de nombreuses cascades eux-mêmes comme des escalades de façade de villa par les tuyaux de gouttières et des bagarres en voiture. Tih Minh  a décidément un charme tout à fait particulier. A suivre!

samedi 6 janvier 2018

Tao 1923 (I)

Jacques Chauvry (Gaston Norès) et Soun (Mary Harald)
Un film en 10 épisodes de Gaston Ravel avec Gaston Norès, Mary Harald, Joë Hamman, André Deed et Andrée Brabant

Episodes 1 à 4
Au Cambodge, un Esprit du Mal terrorise les habitants d'une petite ville. L'administrateur français Jacques Chauvry (G. Norès) pense qu'il s'agit d'une mystification. Lorsque le bonze Krou-Méas est assassiné, il aide la jeune laotienne Soun (M. Harald) qui a hérité du bonze d'un secret convoité pour une bande de dangereux criminels...

L'Esprit du Mal chevauchant au-dessus des eaux
La Société des Cinéromans de Jean Sapène a produit une multitudes de films à épisodes. Tao de Gaston Ravel ne fait pas partie des oeuvres les plus connues. Elle possède néanmoins un charme indéniable grâce à la présence de Mary Harald, abonnée aux rôles d'annamites depuis Tih Minh (1918) de Louis Feuillade, et à celle de Joë Hamman en chef de bande qui terrorise les gens dans un déguisement d'Esprit du Mal. De plus, le film récrée de manière convaincante la vie au Cambodge en utilisant les bâtiments construits pour une Exposition Coloniale à Marseille ainsi que des stock shots d'Indo-Chine. Gaston Ravel est un réalisateur non dépourvu de talents, même s'il ne possède pas le sens du rythme d'un Feuillade qui multiplie les péripéties. Le scénario du film n'est pas exempt des préjugés raciaux de la France coloniale. La petite Soun, admirablement interprétée par Mary Harald, est amoureuse de Jacques Vaudry et celui-ci n'est pas insensible à son charme. Cependant, il va lui préférer la blonde et blanche Andrée Brabant qui est "de la même race" que lui comme nous l'apprend un intertitre sans ambiguîté. Même les personnages secondaires n'échappent pas au racisme ordinaire comme lorsque Bilboquet (André Deed) suggère à la camériste noire "d'arrêter ses écluses ou tu vas déteindre". Les premiers épisodes exposent assez lentement l'intrigue criminelle où des bandits tentent de s'emparer par tous les moyens (meurtre ou vol) d'un terrain pétrolifère que possédait un bonze assassiné par les soins de leur chef, le redoutable Tao (J. Hamman). Si le rythme n'est pas encore très soutenu, on peut penser que les épisodes suivants offriront plus de rebondissements. Il reste cependant en mémoire, une très belle scène où la haute silhouette de Tao chevauche un destrier le long du Mékong. Ravel utilise un ralenti - encore très rare à l'époque - pour accentuer l'irréel de la scène destinée à terroriser les populations. A suivre.