Pour sauver sa race
Un film de William S. Hart avec William S. Hart, Bessie Love, Gertrude Claire et Louise Glaum
Steve Denton (Wm S. Hart), un chercheur d'or, s'est fait dépouiller de tout son or par la perfide Trixie (L. Glaume) dans un saloon mal famé. Ayant perdu toute foi en la race humaine, il est devenu le chef d'une bande de bandits mexicains et indiens. Une caravane de fermiers arrivent à proximité de leur village. Ils sont sans eau et demandent de l'aide...
Ce film de William S. Hart est devenu légendaire car il fut considéré comme perdu pendant plus de 80 ans. Il ne restait qu'un minuscule fragment de 3 minutes à la Librarie du Congrès. Mais, heureusement, une copie de 30 min a réapparu à Buenos Aires. Le film ayant une durée originale de 50 min, il reste encore incomplet. Mais, on peut au moins avoir une idée assez claire de la qualité de ce film dont Louis Delluc faisait la louange. Ce film a été produit par la société Triangle, sous la supervision de Thomas H. Ince. William S. Hart y joue un de ses personnages les plus noirs. Au début du film, il est un chercheur d'or naïf qui est une proie facile pour un escroc. Le patron d'un saloon le repère immédiatement et envoie la perfide Trixie (Louise Glaum) pour l'enjôler et le faire jouer à la roulette, qui est bien sûre truquée. Comme si ce n'était pas assez de le dépouiller, elle lui ment effrontément en lui cachant le contenu d'un télégramme annonçant la mort de sa mère (Gertrude Claire). Se réveillant le lendemain sans un sou vaillant, Denton comprend sa sottise et découvre que sa mère est morte avant qu'il ait pu la revoir. Il se précipite chez Trixie. Il tue son amant qui l'attaquait et emmène Trixie avec lui. Nous le retrouvons quelques années plus tard, près la frontière mexicaine. Il est le chef d'une bande de pillards sans foi ni loi, et Trixie, devenue une épave humaine, est son esclave. Et voici qu'arrive une caravane de pauvres fermiers qui partent vers l'ouest. Dans ce désert aride, ils se retrouvent sans eau et viennent demander de l'aide à Denton. Il la leur refuse. Mais, parmi les fermiers, il y a la douce et innocente Mary Jane (Bessie Love alors âgée de 18 ans) qui décide d'aller voir elle-même Denton pour le supplier. La confrontation ne pourrait pas être plus inégale: la fragile, mais confiante Mary Jane face au féroce Denton. Elle ne se démonte pas même lorsqu'il la menace de la livrer à ses hommes. Elle reste persuadée qu'un 'homme blanc' comme lui ne peut pas livrer des femmes blanches à ses hommes d'une autre race (mexicains et indiens). Si le film est typique des préjugés raciaux de l'époque, il offre en tous cas l'occasion d'une confrontation très intéressante entre Bessie Love, l'image même de la pureté de l'innocente, et un William S. Hart grondant et féroce. Dans ses mémoires, Bessie Love raconte le tournage de la scène de la confrontation. Elle était littéralement terrorisée par Hart dès qu'il se mettait dans le personnage de Denton et au lieu de jouer, elle se réfugiait sous la table. Elle mentionne aussi un fait très intéressant: tous les dialogues mentionnés sur les cartons d'intertitres (rédigés par le génial C. Gardner Sullivan) devait être dit au mot près lors du tournage, même si ceux-ci allaient être coupés au montage. En effet, il était de coutume de couper la scène au moment où un acteur ouvrait la bouche pour introduire le carton, puis on revenait sur l'acteur au moment où il fermait la bouche. Cette insistance dans la fidélité au dialogue peut paraître ridicule. Mais, Hart voulait certainement que tous les acteurs soient parfaitement en situation dans la peau de leurs personnages. Le dialogue faisait partie de cette sincérité. Evidemment, sur la copie qui nous reste, les intertitres de Sullivan ont disparus au profit d'une adaptation en espagnol sans saveur. Hart travaillait avec le génial opérateur Joseph August. Il est également difficile d'apprécier le travail de cet opérateur sur la copie horriblement rayée et abîmée qui nous reste. Néanmoins, malgré les lacunes dans le récit, on comprend que ce film ait eu un tel impact à l'époque. Certes, l'intrigue reprend tous les schémas habituels de Hart: la mauvaise femme, la femme rédemptrice, la mère et la rédemption finale du héros. Mais, la confrontation entre Marie Jane et Denton est plus complexe que dans nombres d'autres films de Hart. Hélas, une partie de leurs scènes est toujours manquante. Nous ne voyons pas le retournement final de Denton. Mais, nous le voyons dire adieu à Mary Jane alors qu'il s'en va seul à la fin. Il embrasse doucement la manche de la petite Mary et la remercie de l'avoir remis dans le droit chemin. Avec une intrigue sommaire, Hart arrive toujours à produire un film sans concession et parfaitement structuré. Pour l'anecdote, Bessie Love mentionne que John Gilbert était figurant-cascadeur dans le film où il jouait pas moins de trois rôles différents. Je ne l'ai pas reconnu. Mais, on peut le voir clairement dans Hell's Hinges (Le vengeur, 1916), un chef d'oeuvre signé Hart, cette même année.
2 commentaires:
comment avez-vous vu ce film, Christine?
Projection privée.
Enregistrer un commentaire