"Le Pharaon" rentre dans le port de Marseille |
Un film d'Henri Pouctal avec Léon Mathot, Nelly Cormon, Marc Gérard, Gilbert Dalleu, Alexandre Colas et Henri Mayer
1815, le marin Edmond Dantès (L. Mathot), qui s'apprêtait à épouser Mercédès (N. Cormon), est arrêté et envoyé au secret au Château d'If pour 14 ans suite à la lettre de dénonciation de Danglars (A. Colas), Caderousse (G. Dalleu) et Fernand (Jean Garat)...
Dantès (Léon Mathot) est conduit au Château d'If |
Le roman d'Alexandre Dumas a suscité de multiples versions cinématographiques. Henri Fescourt en a réalisé une magnifique en 1928 intitulée Monte-Cristo qui utilisait merveilleusement les décors naturels. En fait, dès 1914, Henri Pouctal était au travail pour réaliser une version en 8 épisodes du roman de Dumas, sur les lieux mêmes de l'action imaginée par l'auteur. Cette production a subi quelques vicissitudes. Le film avait été commencé avec Jean Angelo dans le rôle-titre, avant l'entrée en guerre. Il dut abandonner le film suite à la mobilisation générale d'août 1914 et fut remplacé par Léon Mathot. Ce dernier raconte que le tournage fut particulièrement éprouvant. Ils tournèrent au Château d'If qui servait à l'époque de centre de détention pour les étrangers indésirables. Le lieu grouillait de vermine et Mathot devait piquer une tête dans la Méditerranée pour se débarrasser des poux qui infestait ses vêtements après une journée de tournage. Il faillit se noyer le jour où ils tournèrent l'évasion de Dantès du Château d'If. Il devait nager vers une tartane secourable, mais soudain le vent se leva et la mer devint mauvaise. Pouctal insista pour tourner la séquence car leur maigre budget de 3.500 francs par jour était écorné. Finalement, il sauta à l'eau et ne put jamais rejoindre la tartane emportée par le vent et les courants. Il fut repêché, épuisé, une heure et demi plus tard sans que la scène ait pu être prise...
Bertuccio (Gaston Modot) et l'abbé Busoni (L. Mathot) |
Ce récit me laissait supposer que le film devait avoir une atmosphère toute particulière et c'est le cas. Henri Pouctal est sans le moindre doute un excellent metteur en scène et l'un des meilleurs des années 1910. La vision successive d'Alsace (1916) et de Travail (1919) m'avaient déjà convaincue de ses qualités qui sont confirmées par ce superbe Comte de Monte-Cristo. Dès les premières scènes, j'ai été séduite par la qualité de la composition photographique et j'ai immédiatement pensé qu'il devait y avoir un maître derrière la caméra. C'était effectivement le génial Léonce-Henri Burel, un des opérateurs favoris de Gance. De l'entrée du "Pharaon" dans le port de Marseille à l'évasion de Dantès, il capture magnifiquement la lumière méditarréenne avec des effets de clairs-obscurs sur les visages et sur la mer. Le récit original qui était réparti sur 8 épisodes n'est malheureusement maintenant disponible que sous la forme d'une version réduite à 3 heures dans la copie présentée par la Cinémathèque Royale de Belgique sur le site European Film Gateway. Qu'importe, même si le récit est parfois un peu haché (et certaines scènes sont visiblement manquantes), on suit avec intérêt la vengeance de Dantès contre ses ennemis. Léon Mathot a parfois un peu tendance à abuser de la technique de la "réaction face à la caméra", mais il endosse avec talent le rôle de Monte-Cristo. J'ai aussi reconnu Gaston Modot qui joue Bertuccio, le factotum de Monte-Cristo. Dans le Monte-Cristo de 1928, il est monté en grade et est devenu le traître Fernand Mondego, alias le Comte de Morcerf. Une excellente production qui montre la place importante qu'occupe Henri Pouctal dans l'histoire du cinéma français.
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