L'Etudiant de Prague
Un film de Hanns Heinz Ewers et Stellan Rye avec Paul Wegener, John Gottowt, Grete Berger et Lyda Salmonova
Un film de Hanns Heinz Ewers et Stellan Rye avec Paul Wegener, John Gottowt, Grete Berger et Lyda Salmonova
Prague, 1820. L'étudiant pauvre Balduin (P. Wegener) signe un pacte avec l'étrange et diabolique Scapinelli (J. Gottowt) qui lui donne la richesse. Il peut ainsi poursuivre la comtesse Margit (G. Berger) dont il est amoureux. Mais, il a perdu son ombre et celle-ci le poursuit...
Cette production Deutsche Bioscop de 1913 suscite toujours des controverses pour savoir qui de Stellan Rye, H.H. Ewers et/ou Paul Wegener a réalisé le film. Cela n'a rien d'étonnant pour une époque où le réalisateur n'avait pas encore atteint le statut de créateur que nous connaissons de nos jours. Mais, en fait, qu'importe ! Ce film est un pur produit de la littérature allemande et le scénariste Ewers a puisé dans les contes d'E.T.A. Hoffmann autant que chez Adalbert von Chamisso (La merveilleuse histoire de Peter Schlemihl) des idées pour la construction de son intrigue (bien qu'il cite Alfred de Musset et Edgard Allan Poe). Le cinéma allemand veut refaire son retard par rapport au film d'art français qui avait commencé dès l'année 1908. Et pour ce faire, Ewers produit cette histoire de pacte avec le diable suivie d'un dédoublement de personnalité qui fleure bon la littérature romantique allemande. Le cinéma de 1913 n'a jamais été meilleur que lorsqu'il regarde la littérature ou la civilisation dont il est issu. Cette année-là voit l'éclosion de films remarquables comme Sumerki zhenskoi dushi du russe Evgeny Bauer, Ingeborg Holm du suédois Victor Sjöström et le superbe Germinal d'Albert Capellani. Le cinéma allemand a toujours très bien su se vendre à l'étranger en mettant l'accent sur ses points forts: l'introspection, le fantastique et plus tard l'expressionnisme. De nos jours, on considère toujours le cinéma muet allemand plus digne d'intérêt que le cinéma muet français. Il faut dire que les restaurateurs allemands ont toujours un temps d'avance sur les français. Ils diffusent leur travail régulièrement sur Arte et sur DVD avec le German Filmmuseum de Munich. Et en plus, ils réalisent un travail méticuleux et scientifique sur chaque film grâce à des archives bien plus fournies que les nôtres (comme par exemple les fiches de la censure). En outre, ils restaurent aussi les partitions musicales originales de leurs films grâce à de nombreux musiciens spécialistes en la matière - comme c'est le cas ici pour la partition (excellente) de Josef Weiss. Si on ajoute que leurs films ont fait l'objet de multiples publications universitaires et de commentaires, leur statut gagne immensément par rapport à tout autre film de la même époque qui n'a pas droit à un pareil traitement. Tout ce préliminaire n'est ici que pour remettre à sa juste place Der Student von Prag. Il a une place importante, certes. Mais, peut-être pas aussi importante qu'on voudrait bien nous le faire croire. Le Doppelgänger, ce double si cher aux romantiques allemands est ici amené par des double expositions certainement très bien réalisées, mais qui ne sont en aucun cas nouvelles en 1913. Jean Durand ou Albert Capellani les avaient utilisées bien avant ce film, et avec tout autant de virtuosité. L'utilisation des décors naturels, en particulier de la vieille ville de Prague, est une très belle réussite. Paul Wegener, encore jeune et mince, est un Balduin halluciné qui tente d'échapper à son double à travers la ville ou les forêts. Le rôle de l'étudiant a ensuite été tenu par des acteurs de la stature de Conrad Veidt en 1926 et d'Adolf Wohlbrück (c-a-d Anton Walbrook) en 1935, ce qui montre l'intérêt qu'il a suscité. Si les éclairages naturels sont superbes, ceux des intérieurs sont souvent uniformes et plats. Dans l'ensemble, ce film est un bel exemple du cinéma allemand des années 10 en termes de qualité d'interprétation et de cadrage.
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