Sur un bateau qui descend le Rhône, un réformé Pierre Bertin (René Cresté) rencontre Le père Larcher (G. Michel) et sa famille, des réfugiés du nord de la France qui fuient l'occupation allemande. Ils partent tous pour le bas Languedoc pour participer aux vendanges. Deux espions allemands (L. Lebas et M. Caméré) assassinent deux réfugiés belges en route pour la vendange et usurpent leurs identités...
Avec ce film, Feuillade fait oeuvre de propagande alors que la première guerre mondiale est proche de sa fin. Plutôt que de nous offrir une vision du champ de bataille, il nous montre la vie de ceux qui sont restés à l'arrière comme le fait d'ailleurs Abel Gance dans J'accuse (1919). Mais, contrairement au film de Gance, Feuillade offre un film patriotique avec son lot de propagande anti-allemande. Un des deux espions allemands est d'ailleurs interprété par Louis Lebas qui se faisait une spécialité des personnages de criminels dans les films de Feuillade (Les Vampires) et de Perret (L'enfant de Paris). Les bases sont claires : il faut faire un dernier effort pour bouter l'ennemi hors de France en se serrant les coudes face à un envahisseur criminel et vicieux. Mais, le film n'est pas seulement une oeuvre de propagande datée, c'est une ode à la nature avec un souci de réalisme proche d'André Antoine. Le début du film se déroule sur une péniche sur le Rhône que nous descendons nonchalament comme les bateliers de L'Hirondelle et la Mésange. Puis, nous suivons la vendange dans l'Hérault, la région natale de Feuillade. Une camaraderie s'installe entre les vendangeurs et le propriétaire du domaine, la Capitaine de Castelviel (E. Mathé) qui a perdu la vue dans les tranchées. On embauche même une gitane (ou 'caraque' dans la patois local) car son époux est mort au front. Les deux espions s'infiltrent dans le groupe et Wilfrid (Louis Lebas) va utiliser la suspicion envers la gitane pour lui faire porter le poids de son larcin (le vol de la paie des vendangeurs). Feuillade utilise là un symbolisme puissant en montrant que Wilfrid, sans scrupule ni morale, a utilisé les gaz de combats. Il le fait mourir après avoir inhalé les gaz toxiques produits par la fermentation du raisin. (Il est d'ailleurs frappant que dans Les Vampires, tourné dans les premières années de la guerre, on observe également ce recours aux gaz toxiques pour endormir les participants d'une fête pour leur dérober argent et bijoux.) Pour contrebalancer ce personnage allemand (que les intertitres appellent 'boche' selon l'expression typique de l'époque), le complice Fritz, lui se contente de suivre et de se taire en se faisant passer pour muet. Il joue néanmoins au violon Standchen (sérénade) de Franz Schubert lors d'une scène pastorale où les vendangeurs se reposent près d'une rivière en songeant au passé. Dans la deuxième partie du film, on s'intéresse à Louise (la fille aînée du père Larcher, un des vendangeurs) qui vit en zone occupée à Maubeuge, près la frontière Belge. Elle doit accueillir des soldats allemands qui sont cantonnés chez elle. Son mari qui s'est évadé, vient lui rendre visite secrètement. Quant elle accouche plus tard d'un enfant, tous les villageois la croient qu'elle a couché avec l'ennemi. Le film finalement touche à tous les aspects de la guerre: la population occupée, le sort des femmes, les blessés de guerre, et le désir ardent du retour à la paix . Le film se termine d'ailleurs sur une note optimiste où tous trinquent avec le vin nouveau qui annonce des lendemains meilleurs. Un Feuillade vraiment passionnant.
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