Daisy (Florence Turner) s'entraîne pour un concours de grimaces |
La conservatrice du cinéma muet au BFI, Bryony Dixon, continue sa série de projection sur les films réalisés il y a cent ans. Lors des années précédentes, il n'y avait eu qu'une seule projection. Mais, pour 1914, l'ensemble a été enregistré à l'avance pour être projeté à travers tout la Grande-Bretagne, avec un accompagnement musical de Stephen Horne, ce qui suggère un possible DVD à venir.
Comme pour les éditions précédentes, le programme est composé de courts métrages et de bandes d'actualités essentiellement britanniques, avec en prime quelques unes américaines. Les actualités montrent un Empire Britannique à son apogée qui regarde avec une condescendance certaine les populations indigènes de ses colonies. La société très hiérarchisée de l'époque commence cependant à se fissurer. C'est ainsi qu'Emmeline Pankhurst mène une manifestation de suffragettes pour réclamer le droit civique pour les femmes, avant d'être arrêtée par la police et emmenée manu-militari. L'Empereur d'Autriche assiste au mariage de l'Archiduc Karl, son nouveau successeur suite à l'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo. La guerre est déjà commencée et un opérateur filme les ruines de Louvain en Belgique, détruite par les bombardements allemands. Au milieu de cette actualité tragique, les spectateurs pouvaient se détendre avec quelques comédies. L'américaine Florence Turner, qui avait été la première star de la Vitagraph, avait alors élu domicile en Angleterre où elle avait sa propre société de production. Dans Daisy Doodad's Dial, elle montre son talent comique en exécutant une série de grimaces dignes des meilleurs clowns. Son visage semble être en caoutchouc tant il se déforme avec virtuosité. Si artistiquement parlant ce n'est certainement pas un des meilleurs films de 1914, il permet en tout cas de découvrir le talent de Florence Turner. L'autre grand comique de l'écran en Grande-Bretagne était Fred Evans alias Pimple. J'avais déjà vu sa parodie hilarante de la bataille de Waterloo l'année dernière qui m'avait beaucoup amusée. Cette fois-ci, dans Lieutenant Pimple and the Stolen Submarine, il nous entraîne dans une aventure d'espionnage maritime totalement improbable avec le plus petit budget du monde. Les gags proviennent surtout des moyens dérisoires utilisés : quelques planches pour figurer le sous-marin et des toiles peintes pour le fond de l'océan. C'est ainsi que Pimple, coincé au fond de l'eau dans le sous-marin, casse un hublot (!) pour attraper un poisson et lui mettre un message dans la bouche - comme on le ferait avec un pigeon-voyageur - pour appeler à l'aide. Un gag digne des Monty Python. Mais, en cette année 1914, les grands succès populaires sont les sérials américains comme The Perils of Pauline avec l'intrépide Pearl White qui est capable de descendre en rappel sur une corde depuis un ballon captif. Un fragment d'épisode avec une série de cascades spectaculaires montrent le travail de cette actrice-cascadeuse. Malheureusement, ce sérial ne nous est parvenu que de détestables copies contretypées et incomplètes. Et évidemment, il y a l'émergence d'un nouveau comique (né en Angleterre) qui vient d'être embauché par la Keystone Company: un certain Charlie Chaplin. C'est donc A Film Johnnie qui clotûrait ce très intéressant programme qui permettait de se replonger dans l'air du temps.
Cependant l'année 1914 fut aussi celle du long métrage et de l'émergence de films artistiquement supérieurs et novateurs qui ne sont pas couverts par ce programme. Il suffit de penser à The Bargain de R. Barker avec Wm S. Hart, à L'Enfant de la grande ville et à Témoins silencieux d'Evgueni Bauer, et à The Wishing Ring de Maurice Tourneur. C'est l'année d'un tournant décisif dans l'histoire du cinéma.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire