Un film d'Henri Pouctal avec Gabrielle Réjane, Albert Dieudonné, Francesca Flory, Camille Bardou et Berthe Jalabert
1872. L'Alsace est annexée par l'Allemagne. M. et Mme Obey (M. Barbier et Gabrielle Réjane), des patriotes alsaciens, chantent la Marseillaise à tue-tête ce qui leur vaut une expulsion vers la France. Leur fils Jacques (A. Dieudonné) reste au pays pour diriger la filature familiale. Il tombe amoureux de Marguerite Schwarz (F. Flory) la fille de ses voisins allemands...
En 1913, la grande comédienne Gabrielle Réjane crée la pièce de Gaston Leroux Alsace. Trois ans plus tard, la pièce est adaptée au cinéma par la société Film d'Art avec le metteur en scène Henri Pouctal. On a oublié de nos jours l'importance de Réjane qui était la seule vedette internationale française à côté de Sarah Bernhardt, la seule qui fasse également des tournées internationales. Contrairement à la grande Sarah dont les mimiques théâtrales paraissent horriblement surranées sur grand écran, Réjane montre qu'elle a compris qu'il faut modérer son expression au cinéma. Au lieu d'être dirigée par le tâcheron de service (Louis Mercanton) comme Sarah, Réjane est dirigée par un excellent réalisateur en la personne de Pouctal. Même si elle est la vedette du film, elle n'étouffe pas ses partenaires. Le récit patriotique de ce film bien que nationaliste, n'est pas aussi outrancier qu'on pouvait le redouter. Certes, on y retrouve les clichés sur les Allemands buveurs de bière et ripailleurs, mais les voisins Schwarz (joués par Camille Bardou et Berthe Jalabert) sont des petits bourgeois sympathiques et en aucun cas des Teutons sanguinaires et caricaturaux. Cependant, les différences de culture sont soulignées par le couple formé par Jacques, interprété par un tout jeune Albert Dieudonné, et son épouse Marguerite qui se disputent à tout bout de champ. L'aigreur est attisée par l'intense inimitié entre la femme et la redoutable belle-mère que joue Réjane. La déclaration de guerre en 1914 fait exploser toutes les rancoeurs. La femme et la mère se disputent le pauvre et faible Jacques qui est sommé de choisir son camp. Il n'en aura pas le temps et sera victime de la brutalité Allemande. J'ai été impressionnée par le charisme de Réjane qui donne à son personnage de mère abusive une dimension remarquable. Elle a un visage mobile et expressif et montre un talent naturaliste dans l'expression. Le jeune Albert Dieudonné, le futur Napoléon de Gance, montre son talent d'acteur. Il est par moment encore un peu théâtral, mais il sait déjà suggérer son émoi face à sa puissante mère. La copie teintée issue du Filmmuseum d'Amsterdam était de belle qualité et permettait d'apprécier le talent de composition de Pouctal. Il savait créer une réelle profondeur de champ avec des actions simultanées qui en disaient long sur les sentiments des personnages, comme lorsque Dieudonné au premier plan se morfond en présence de sa belle-famille qui festoie à l'arrière-plan. La scène finale a une certaine grandiloquence patriotique alors que Réjane, en grand deuil vêtue à l'Alsacienne, se réjouie de l'arrivée des troupes françaises en Alsace sur la tombe de son fils. Un film tout à fait intéressant qui m'a permis de découvrir Réjane.
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