La Voix des ancêtres
Un film de Victor Sjöström avec Victor Sjöström, Harriet Bosse, Torre Svennberg et Hildur Carlberg
Le fermier Lil Ingmar (V. Sjöström) monte au ciel pour demander conseil à son vieux père (T. Svennberg). Il lui raconte son malheur. Il était sur le point de se marier avec Brita (H. Bosse), mais la mauvaise récolte lui a fait différer le mariage. Or Brita, déjà installée chez lui, attendait un enfant...
Ce magnifique film de Sjöström est une oeuvre d'auteur complet. Il joue le rôle principal tout en ayant lui-même adapté le roman de Selma Lagerlöf (Jerusalem) et il en assure la mise en scène. Contrairement à ses films précédents comme Terje Vigen (1917) et Berg-Ejvind och hans ustru (Les proscrits, 1918) qui sont des chefs d'oeuvres lyriques et flamboyants, Ingmarssörnena travaille dans l'introspection et une analyse minutieuse de l'âme humaine. Entre d'autres mains, ce film de deux heures pourraient être un pensum. Avec Sjöström, c'est un miracle d'humanité et pudeur. Il prend son temps pour nous conter la vie d'Ingmar, un jeune fermier un peu fruste et taiseux. Celui-ci aime Brita, la fille d'un riche voisin. Or celle-ci ne ressent rien pour lui; mais elle doit accepter de le suivre suite aux injonctions de ses parents qui considèrent que c'est un mariage bienvenu avec un riche fermier. Dès le début, il y a une incompréhension totale entre les futurs époux. Elle est profondément malheureuse dans la ferme d'Ingmar et ne s'entend pas avec sa belle-mère. Et lui ne comprend pas pourquoi elle dépérit de jour en jour. Brita a suivi son fiancé avant même le mariage, comme c'était la coutume à l'époque. Et voilà que la récolte s'annonce mauvaise. Ingmar décide de reculer le mariage d'une année. La malheureuse Brita est enceinte et plutôt que de donner naissance à un enfant illégitime, elle préfère le tuer à la naissance. Elle est condamnée à trois ans de prison, malgré l'intervention d'Ingmar durant le procès. Ce récit est fait par Ingmar lui-même alors qu'il consulte son père mort après avoir escaladé une échelle qui monte au ciel. Il est incapable de prendre une décision. Doit-il aller retrouver Brita à sa sortie de prison ou l'oublier à son triste sort? Son père lui donne le conseil énigmatique de "suivre le chemin de Dieu". Ingmar va donc aller chercher Brita à sa sortie de prison. Comme auparavant, ils sont incapables de se parler franchement. Brita a changé et elle a appris à aimer Ingmar. Lui ne sait pas comment exprimer ses sentiments. Durant le trajet qui les ramènent à la ferme familiale, ils vont lentement réappendre à se comprendre. Sjöström et Harriet Bosse sont des interprètes magnifiques dans la retenue et l'intelligence. Ils réussissent à conférer à leurs deux personnages une puissance émotionnelle et une vérité psychologique que l'on n'attend pas dans un film de 1918. Et en tant que metteur en scène, Sjöström montre qu'il est à l'aise aussi bien dans la fresque lyrique que dans une étude psychologique au petit point. Un film bouleversant et unique. (Dans Karin Ingmarsdotter (1920), il poursuit la saga de la famille Ingmar en nous montrant la destinée de sa fille.)
3 commentaires:
Merci de cet éclairage sur l'oeuvre de ce grand maître et plus largement pour votre excellent blog que je viens de découvrir. Quel bonheur de ce plonger dans (et de partager) ces chefs d'oeuvre de la plus brillante époque du cinéma. A noter que ce film, comme bien d'autres, est visible dans le cadre de l'exposition du musée d'Orsay : La chair, la mort et le diable, qui propose des oeuvres de Christensen, Stiller et donc Sjöström.
Se plonger... Pardon
Merci de votre message. C'est effectivement au Musée d'Orsay que j'ai pu voir ce chef d'oeuvre de Sjöström.
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